Crise morale à la CGT

georges-s Par Le 05/11/2014 0

Dans Nouvelles Nationales

Cgt 1Les révélations du Canard enchaîné du 29 octobre 2014 sur l’appartement du secrétaire général de la CGT, doublées de l’envoi de ces informations aux 32 fédérations syndicales la semaine précédente, provoquent sidération et indignation dans les rangs de la CGT. Comment est-ce possible ? D’où cela vient-il ? Qui veut ainsi s’attaquer à la CGT ? Dans quel but ? Etc.

Les réactions peuvent être très différentes selon l’ancienneté militante, le niveau de responsabilité, les traditions (notamment politiques) des uns et des autres. De jeunes syndiqués font immédiatement le parallèle avec « les affaires » qui s’accumulent, d’où qu’elles viennent. Même la CGT serait atteinte ? C’est vraiment « tous pourris » !

Qu’il y ait une énorme disproportion entre le coût de la rénovation de l’appartement de Thierry Lepaon et d’autres affaires en cours, autrement plus graves, n’y change rien ou peu de choses. D’autres militants plus expérimentés se sentent tellement meurtris qu’ils préfèrent évacuer l’interrogation : cela passera, la CGT en a vu d’autres. D’autres encore serrent les rangs, comme le leur demande la déclaration du Bureau confédéral du mercredi 29 octobre : trouver les coupables de cette attaque...

Ce n’est certes pas la première fois que des interrogations graves se posent dans la CGT sur des questions financières. Certains riches Comités d’entreprise (CE) dirigés par la CGT ont été soupçonnés d’aider au financement d’activités du Parti communiste (notamment la Fête de l’Humanité). La justice a tranché ces affaires (Caisse centrale d’activité sociale d’EDF-GDF, par jugement du 1er octobre 2014) lorsque des plaintes avaient été déposées. De même, certaines activités CGT sont soupçonnées d’être financées par de grandes entreprises dont la CGT combat officiellement la politique sociale et les choix industriels (par exemple, les stands de Véolia ou d'Air France au congrès confédéral).

Dans le cas de la rénovation fort chère de l’appartement occupé par Thierry Lepaon, il ne s’agit pas de cela, ni même d’enrichissement personnel. Il s’agit du train de vie d’un cadre confédéral non contrôlé collectivement. Alors même que la crise économique aggrave chaque jour les conditions de vie d’un grand nombre de personnes, et notamment l’énorme majorité des syndiqués CGT.

Les faits sont têtus

La direction confédérale ne conteste pas (à ce jour) les révélations du Canard Enchaîné. Il s’agit donc d’une rénovation très complète (pour 130 000 euros) de l’équipement d’un appartement de 120 mètres carrés, loué ensuite 2000 euros dans un cadre immobilier agréable que peu de gens pourraient se payer (à Vincennes). Des investigations journalistiques seront sans doute menées sur l’entreprise choisie et le propriétaire des lieux.

La question clef, puisque la CGT ne nie pas les faits, c’est que personne, même dans la direction, n’était au courant d’une telle dépense, injustifiable lorsqu’on dirige un syndicat de lutte contre les inégalités. Il est bien entendu parfaitement normal qu’un militant permanent contraint à vivre en région parisienne, bénéficie de conditions correctes de location ou de prêt d’appartement. Là n’est pas la question. Mais justement : d’autres responsables de niveau confédéral n’ont pas la « chance » de bénéficier d’un appartement ainsi rénové et vaste!

Pourquoi ce dévoilement ?

C’est la deuxième question fondamentale de cette affaire : qui veut la rendre publique et pourquoi ?  Qu’un journal bien informé (comme le Canard) fasse son travail est une chose. Mais que les 32 fédérations de la CGT aient reçu le devis détaillé des travaux (devis datant d’avril 2013) la semaine précédant la publication au journal, c’en est une autre. Tout est possible, y compris des considérations personnelles sans intention politique. Mais le contexte et la logique politique poussent à rechercher une cause intentionnelle dans ce dévoilement devant toute la CGT de pratiques opaques en haut lieu.

On sait que la succession calamiteuse de Bernard Thibault a donné lieu à une crise organisationnelle ayant eu de fortes dimensions personnelles, puisque l’ancien secrétaire général a très mal supporté d’être mis en minorité dans ces choix répétés. Thierry Lepaon souffre donc d’avoir été choisi « par défaut » pour colmater en vitesse une brèche béante avant qu’elle ne menace les murs CGT d’écroulement. S’ajoutent à cela les atermoiements et les échecs forts nombreux de la direction depuis le dernier congrès, de la valse-hésitation sur  la participation à la seconde conférence sociale aux trois journées CGT de luttes interprofessionnelles ratées en 2014, dont le 16 octobre dernier. Tout cela alimente des rancœurs nombreuses.

Enfin, au-delà de la manière dont les débats se mènent (mal) dans la CGT et des divergences en haut lieu, c’est bien toute une tradition non démocratique qui est mise en accusation, et qui vient de loin.

Le complexe totalement dépassé de la forteresse assiégée 

En effet, la crise morale est réelle, mais l’attitude de la majorité du bureau confédéral ne fait que l’aviver plutôt que la résoudre. Si on nous attaque, c’est que nous faisons mal à nos adversaires de classe, donc cherchons le coupable ou le traître dans nos rangs ! Tel est en substance le contenu de la première déclaration du bureau confédéral du mercredi 29 octobre. Lisons : « Ces mises en cause surviennent dans un contexte où …la CGT s’efforce de mobiliser les salariés contre la politique menée de concert par le gouvernement et le patronat. Visiblement, elle [la CGT] dérange en parlant haut et fort… ». Et de saluer les militants et les salariés qui font « face à cette pression médiatique » en préparant  prioritairement « le développement des mobilisations » (4 novembre dans les transports, 18 novembre dans la Fonction publique), plutôt qu’en alimentant les rumeurs malveillantes. Le summum est atteint quand on annonce une « enquête interne » pour rechercher les coupables ayant fouillé dans les tiroirs confédéraux.

Mais les responsables de prises de décisions financières importantes et sans contrôle collectif (dépense de 130 000 euros) n’y sont évidemment pour rien. La stratégie destructrice de la forteresse assiégée a pu faire illusion longtemps au 20e siècle, elle est totalement contre-productive aujourd’hui. Le comité confédéral national (réunion des fédérations et unions départementales) des 4 et 5 novembre rompra-t-il avec ces vieux démons ?

Des militant-es CGT, membres d’Ensemble !

Source : https://www.ensemble-fdg.org/content/crise-morale-la-cgt

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