Retour sur la vache folle

Une pandémie très politique (et économique) : la « vache folle »

 

Les industriels, les politiques et les médias dénoncent les méchantes bactéries, les vilains virus et les prions pervers. Il vaut mieux chercher du côté de la politique et de l’économie : l'ultralibéralisme et l'industrialisation de l'élevage pour expliquer la crise de la « vache folle ».

 

« ... l'effet pervers d'une dérégulation sauvage qui conduisit les britanniques à privatiser dans le même temps les contrôles sanitaires...en matière de santé publique, il faut un État fort. » Ce n'est pas d’un communiste mais de Bernard Kouchner (préface du livre de Hirsch et Duneton sur la vache folle).

 

L'ultra-libéralisme thatchérien

Madame Thatcher a décimé le corps des vétérinaires publics : les vétérinaires français signaient une pétition pour soutenir leurs collègues anglais. Elle a remplacé les contrôles officiels par des auto-contrôle (réalisés par les industriels eux-mêmes).

Les industriels utilisent des carcasses de moutons pour rentrer dans la composition de l'alimentation concentrée des vaches laitières. Par souci d'économie, entre 1980 et 1983, ils ont réduit la température de cuisson des carcasses de mouton atteints de la « tremblante », la transmettant aux vaches à travers les farines animales. Cette maladie était connue depuis au moins deux siècles mais son facteur - le prion (particule protéique infectieuse) - inconnu. L'agent prion peut résister à une température de 160 ° C pendant une heure en chaleur sèche. Lors de la transformation des carcasses de mouton, les solvants des graisses (qui permettaient aussi à la chaleur d’attaquer les prions) ont été retirés pour protéger la santé des travailleurs.

C'est cela le libéralisme : pour faire économiser quelques milliers de £ à des firmes privées et pour économiser un peu d’argent public, la collectivité paye les dégâts sociaux et économiques sur tout le continent européen, soit « privatiser les profits et socialiser les pertes ».

Pour le profit, on joue aux apprentis sorciers

La vache est un ruminant ! Mais l'industrialisation de l'élevage, l'artificialisation de l'alimentation animale ont permis aux industriels de jouer aux apprentis sorciers, pour maximiser leur profit.

En chimie organique, sur le papier, une protéine est équivalente à une protéine. Donc, on peut toujours remplacer une protéine d’origine végétale (tourteaux de soja) par une protéine d’origine animale, meilleure marché. Une autre aberration : dans la poudre de lait pour veau, les industriels remplacent la matière grasse du lait (la crème) par du saindoux, moins onéreux.

Dégâts sociaux et économiques

Toute la filière bovine a subi des conséquences négatives : baisse d’activité des abattoirs et des tripiers avec licenciements de salariés, ruine d'éleveurs (en France, tout le troupeau bovin est abattu en cas de diagnostic positif d'une seule vache), baisse de la consommation de viande et perte de confiance.

Cynisme anglais

Le gouvernement thatchérien réclamait chaque année un « chèque en retour » pour équilibrer dépenses et recettes anglaises vers l'Europe. « Y want my money back » de Madame Thatcher : une curieuse conception de la solidarité financière !

En juin 1996, en pleine crise, les représentants conservateurs britanniques à Bruxelles proposèrent que « les viandes douteuses britanniques soient vendues dans les pays pauvres et exigèrent la levée de l'embargo ». Les délégués suédois répondirent «...pour des raisons d'étique, nous ne voulons même pas discuter cette demande ».

Les industriels britanniques ont continué à brader leurs stocks à l’exportation en France et en Europe où ils ont trouvé acquéreurs.

Michel BLIN , 26 avril 2020

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