Libérer l’ entreprise de la dictature de la finance 

« LIBÉRER l’ ENTREPRISE de la DICTATURE de la FINANCE »

 

I / PRISE de POUVOIR par les ACTIONNAIRES :

 

Les difficultés des firmes US face à la concurrence japonaise et allemande et le déclin de l'industrie britannique dans les années 70 sont en cause.

Les milieux financiers s'interrogent et accusent les dirigeants d'entreprise trop autonomes : les actionnaires doivent retrouver le chemin de la rentabilité en reprenant le contrôle des dirigeants (les véritables maîtres durant la période « Fordiste »)

La montée en puissance des « zinzins »

Les « ZINZINS » (Investisseurs Institutionnels) comportent les SICAV (société d’investissement au capital variable, gérés par les banques : ce sont des portefeuille de valeurs mobilières pour répartir les risques),les FCP (fonds communs de placement), les sociétés d'assurance–vie, les fonds de pension.

 

On assiste à une vraie rupture : on est passé d'une foule d'actionnaires émiettés, gérant directement leurs actions et donc, ayant peu de pouvoir sur les dirigeants à des structures gestionnaires de fonds, les « zinzins », soumis à la concurrence, à la réglementation et à un devoir de bonne gestion de intérêts des épargnants.

Aux USA, 91 % des actions sont détenues par les ménages en 1950 contre 50 % en 1996.

En France, cela passe par les SICAV, fiscalement avantagés à partir de 78 et les assurances-vies.

 

Des comportements différentiés  des « zinzins » :

Les gestionnaires de fonds surveillent les dirigeants

- soit en vendant les actions : ils votent « avec leurs pieds »)

- soit en contrôlant les dirigeants par la « gouvernance d’entreprise

ex : Calpers (fonds de pension des fonctionnaires californiens pesant 172 milliards de $) investit à long terme et ne détient que 1 à 3 % du capital des grands groupes

ex : Templeton France : « nous sommes plutôt un élément stabilisateur du marché et nous gardons en moyenne 5 ans nos actions »

ex : au contraire, le gérant d'une SICAV française renouvelle l'intégralité de son portefeuille au moins une fois dans l’année. 

 

Les « Zinzins » obligent les dirigeants à suivre leurs objectifs (la « valeur pour l’actionnaire ».

Exemple : les « Stock-Options » : la firme donne aux dirigeants des options d'achat d'actions : elles leur donnent le droit d'acheter ces actions à un prix fixe (déterminé à la date de l'attribution de l'action) dans le futur avec un délai de plusieurs années. Le dirigeant a donc un intérêt objectif à ce que le cours de l’action augmente.

 

II / RENTABILITÉ : « 15 % POUR TOUS ! » :

Définitions :

- le R.O.E. (Return On Equities) : Revenu sur les Capitaux Propres (passif)

- le R.O.A. (Return On Assets) : Revenu sur l'Actif Économique (total actif = total passif)

Dans le cadre de la mondialisation, les « Zinzins » (ex : fonds de pension des fonctionnaires californiens-Calpers ou retraités écossais) exigent en France un niveau de performances des meilleurs mondiaux.

Les entreprises croient devoir promettre ce même taux fabuleux de 15 % de la R.O.E.

Critiques des R.O.E. (= 15%)

- ces résultats sont obtenus au risque d'étrangler les fournisseurs, de sur-exploiter les salariés, de peser sur les partenaires sous-traitants

- certains secteurs ne peuvent pas assurer cette rentabilité de 15 % (ex : auto : 5 %, opérateur téléphonique: 4,4 %, chimie : 4,8 %, acier : 8 %...)

- une rentabilité uniforme est douteuse car elle dépend du risque, de la rentabilité du secteur, du taux d'endettement de la firme

NB : à ce taux de 15 %, la valeur du capital double en 5ans ; alors que le taux de croissance du P.I.B. est fort éloigné des 15 %

 

III / UNE LOGIQUE FINANCIÈRE IMPARABLE: RÉDUIRE les FONDS PROPRES

le BILAN de l’entreprise

 

ACTIF = EMPLOIS

PASSIF = RESSOURCES

1) immobilisations : bâtiments, machines...

1) capitaux propres = total actions

2) besoin en fonds de roulement

(ou besoin en financement du cycle d'exploitation) : créances

2) dettes financières et dettes-fournisseurs

Total actif =

= Total passif

 

 

Pour obtenir la rentabilité  maximum : le R.O.E., revenu économique divisé par les capitaux propres (actions), doit être de 15 %.

La logique financière est de réduire les capitaux propres engagés (total des actions, au passif).

Donc, réduire les capitaux de l’actif : immobilisations, stocks et créances. D’où de nouvelles stratégies imposées.

 

IV / DES STRATÉGIES NOUVELLES IMPOSÉES PAR LA FINANCE :

 

1/ EXTERNALISATION et SOUS-TRAITANCE : le modèle est «l’entreprise creuse » : elle réduit sa structure (donc, les immobilisations) aux seules tâches strictement nécessaires à sa mission (y compris les activités fonctionnelles et le « cœur de métier »)

- ex : Thomson a externalisé son système de gestion de l'informatique et des télécoms et a financé la construction d'une nouvelle usine au Mexique par un montage financier permettant de sortir cet actif de son bilan

- ex : Tchuruk, PDG d'Alcatel : « nous souhaitons être très bientôt une « entreprise sans usine » en 2001 (le groupe avait déjà ramené le nombre de sites de fabrication de 250 à 100)

- Le modèle est le « Promoteur Immobilier » : il conçoit le produit et le vend mais ne produit rien lui-même : il confie la construction à un entrepreneur du bâtiment ; il possède des faibles immobilisations (bureau) et encaisse les recettes avant d'avoir engagé les dépenses (besoin en financement du cycle d'exploitation négatif).

2/ SORTIR l’ IMMOBILIER de l’entreprise car c’est une immobilisation (actif du bilan)

- ex : France-Télécoms a cédé en 2001 environ 400 sites à des investisseurs fonciers (spécialistes) et financiers pour 3,3 milliards.

3/ STRATÉGIE de CONCENTRATION vers l’ AMONT qui permet de créer de nouveaux produits différentiés : conception (R. et D.) et publicité.

4/ STRATÉGIE de GLISSEMENT vers L'AVAL et SOUS-TRAITANCE

La firme se concentre en fin de chaîne, en aval de la filière (commercialisation) là où la différenciation du produit justifie des marges plus élevées : ex Décathlon

La firme abandonne les stades de production en amont à des sous-traitants et équipementiers (constructeurs autos et chimistes qui glissent vers la chimie fine et la pharmacie).

5/ STRATÉGIE « ZÉRO-STOCK » car le stock est du capital immobilisé : stratégie obtenue grâce à l'organisation de la production par l'aval (à la commande)

- ex : le groupe Chargeurs (textile) a délesté son bilan d' 1 milliard d'€ de stocks de laine pour apparaître comme un groupe de services et de courtage (et plus un groupe industriel). Résultats : en 5 ans, les capitaux investis sont passés de 8,5 à 2 milliards ; l'objectif est que le « retour sur fonds propres » atteigne 18 à 20 % contre 11 % actuellement.

et RACHATS d’ ACTIONS : quand le nombre d’actions diminue, la valeur de chaque action augmente

6/ STRATÉGIE de la COMPRESSION des CRÉANCES : récupérer les créances

Conclusion :

Le modèle idéal de ces stratégies est l'entreprise de services :

- sans actif ou presque ; un investissement en « capital humain ; le contrat de travail se fait et se défait avec davantage de flexibilité que les investissements corporels.

7/ « EFFET LEVIER » : le Modèle du LBO (Leverage Buy Out)

 

Les rachats d'entreprise sous la forme de LBO sont fondés sur un montage financier activant un taux d'endettement très élevé.

Les repreneurs éventuels d'une société dont les titres valent 100 (total actif) ne possèdent que 30 en fonds propres. Il manque un financement d'environ 70, que seuls les créanciers sont en mesure d'apporter. Pour réaliser l’achat, ils vont créer un holding dont le passif (sources de financement) sera donc constitué à 30 % de fonds propres et 70 % de dettes financières. Avec un ratio de levier égal à 70/30, le projet repose sur un fort risque financier.

 

Logique financière du montage :

La société-cible est obligée de remonter la totalité de ses cash-flows (bénéfices disponibles) vers la holding et la holding rembourse sa dette grâce aux dividendes issus de la société-cible qui est sa seule ressource. Les deux conditions de réussite sont que la société-cible ait une bonne visibilité économique (faible risque de métier) et qu'elle n’ait pas besoin d'affecter ses cash-flows à sa propre croissance (investissements). A la fin de son désendettement (5 à 7 ans), la holding présente un passif (sources de financement) totalement constitué de fonds propres : les actionnaires sont devenus propriétaires exclusifs de la cible qui appartenait à 70 % aux créanciers au début du montage.

Résumé :

Le montage LBO consiste à faire payer un achat par les bénéfices de la société rachetée. La société-cible finance son propre rachat. Et les investisseurs s'enrichissent au fur et à mesure que la holding se désendette garce aux remontées de trésoreries (cash-flows) de la société-cible.

 

V / STRATÉGIES CONCURRENTIELLES

 

Bénéfice = taux de profit X ventes (chiffre d'affaires)

Actions possibles :

- ACCROÎTRE les VENTES : marketing, politique de produit, politique de distribution, politique de communication

- ACCROÎTRE le TAUX de PROFIT  : agir sur les prix en ayant un avantage spécifique (techniques spécifiques, qualité, services…)

- stratégie de DIFFÉRENTIATION  : un monopole permet d'avoir une capacité de négociation par rapport aux fournisseurs et aux clients

- AGIR sur les QUANTITÉS en augmentant la productivité des facteur de production par la réduction de la consommation de facteurs (travail, capital, terre, matières premières) : intensifier l'usage de facteurs de production (éviter les chutes de matières, limiter les temps morts, faire tourner les machines plus vite et plus longtemps) et organiser l’activité : répartition des tâches, gestion des flux, ordonnancement de la production...)

- supprimer des COÛTS et transformer des coûts fixes en coûts variables (ex : CDI remplacés par des CDD et intérim)

- réaliser des « ÉCONOMIES d’ ÉCHELLE» : quand la quantité produite par une firme augmente, le coût unitaire diminue

- SEGMENTER le PROCESSUS de FABRICATION et

DÉLOCALISER : faire réaliser chaque segment (une ou plusieurs opérations) dans un pays où le « facteur de production » principal utilisé est meilleur marché (ex : climat, terre, travail non-qualifié, travail qualifié, recherche, capitaux…).

 

VI / AGIR sur les STRUCTURES :

- FUSIONS-ACQUISITIONS

- supprime des concurrents ( libéralisme, le marché)

- par sa taille, la firme accroît son pouvoir de négociation avec l’environnement : États, fournisseurs, banques, clients…

- supprime des emplois (doublons et revente des firmes « canards-boiteux »)

Michel BLIN 25 avril 2020

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