Bus gratuits: réponse à M Kerdraon

ensemble22 Par Le 13/09/2022 0

Dans Nouvelles Locales

En réaction au refus de la gratuité des bus développé par M Kerdraon dans un entretien au Télégramme, l'article démonte point par point son argumentaire. La gratuité des bus est possible dans l'agglo. Elle serait bénéfique à l'ensemble de la population.

Quelques réflexions suscitées par l’interview de Monsieur Kerdraon dans le Télégramme du 5 septembre 2022 (1)

Ce qui apparaît dans cet article c'est la constance des analyses de Monsieur Kerdraon. C'est une ligne forte de la politique qu'il mène à l'agglo en harmonie constructive avec la droite. La gratuité, quand elle n'est pas celle de l'asticot, le pêcheur ne fait jamais payer l'asticot à la tanche - selon l'expresion de JL Sagot-Duvauroux -, est une construction politique de citoyens animés d'un esprit solidaire tout à fait en opposition avec cette concurrence gravée dans le marbre du TCE malgré son rejet populaire.

Ses arguments traduisent son application à gérer les contraintes financières imposées par le pouvoir capitaliste et sont cantonnés dans une approche en "silos". Ses non dits ou ses impensés sont significatifs.

1- Même gratuit le transport a un coût?

Le coût évoqué par M. Kerdraon est financier. Il oublie les coûts sociaux, écologiques, sanitaires payés en euros et en souffrances, en termes de réchauffement climatique et de pollution. Il omet  les coûts de la voiture et du camion. La RN12, la rocade de contournement, les ronds points, les parkings n'auraient pas de coût? Que coûte la voiture qui pollue, génère le zonage et l'étalement urbain, qui a permis la multiplication des grandes surfaces avec leur culture mortifère de "petits prix"?

Les 3,5M€ payés ne seraient pas perdus !  Ils seraient bienvenus dans les familles touchées par la précarité et la politique inégalitaire en cours, chez ceux et celles qui réduisent leur budget alimentaire pour boucler les fins de mois. Supprimer des dépenses contraintes, c'est donner du pouvoir de vivre mieux à ceux qui sont exploités, marginalisés... Cela relève d'une vraie politique de gauche.

Quant à l'argument usé, “ si les entreprises paient trop d'impôts, elles ne peuvent embaucher” c'est un chantage exercé depuis que le capitalisme existe : c'est la politique de l'offre chère à la droite. La part des profits réinvestie pèse de moins en moins face à celle distribuée aux actionnaires. Et si l'argent public distribué si largement aux "entreprises" était investi dans les services publics, il y en aurait des emplois créés avec des retours sur investissement en termes sociaux, sanitaires et écologiques ! 

Depuis quand la marchandisation est synonyme de progrès ? Le brevetage du vivant a réduit considérablement l'accès libre et gratuit aux semences paysannes. Il a contribué à  la baisse de la biodiversité et au renforcement des multinationales semencières !

2- Des réalités de territoire différentes?

Les collectivités dépourvues de sièges sociaux de grandes entreprises ne pourraient garantir à leurs administrés que des droits au rabais ? Certes, les grandes entreprises sont celles qui reçoivent le plus d'aides publiques, paient le moins d'impôts et la loi leur permet de s'enrichir par la surexploitation des travailleurs des sous-traitants. Est-une raison pour priver ceux qui sont surexploités de transports gratuits? N'oublions pas non plus les allègements fiscaux dont ont bénéficié les entreprises. La réforme de la taxe professionnelle a finalement été favorable aux entreprises. Les impôts de substitution sont bien inférieurs à la TP. Et on ne compte plus les aides publiques inconditionnelles versées aux entreprises.

Enfin, sur la quarantaine de villes ayant osé la gratuité des bus, il n'y aurait que des villes abritant les sièges sociaux des grandes entreprises ?

Il existe aussi des disparités des territoires au sein même de l'agglo. En 2013 (à l’époque, l’agglo regroupait 14 communes), la Ville de St Brieuc a dépensé 473 507€50 net au titre l'aide sociale pour assurer des tarifs sociaux pour les bus! Soit environ 90% de l'aide totale versée par les 14 communes de l'agglo. St Brieuc est la commune dont les habitants sont les plus pauvres de l'agglo : le revenu médian y était de 1454 € par mois contre 1785 € à Pordic. Si ces chiffres sont à actualiser, les  disparités restent valables. La gratuité des bus serait un signe fort de solidarité entre les communes de l'agglo.

3-Un budget de l'agglo pas extensible?

C'est une réalité qui devrait conduire à poser la question des choix de façon démocratique. Le recours aux cabinets privés, coûteux, plus ou moins influencés par les lobbies est un recul de la démocratie. La politique d'attractivité des entreprises et des touristes est le choix d'une équipe droite - gauche libérale qui coûte cher. Le soutien sans faille aux start up, le soutien préférentiel à l'agro industrie sont des orientations qui méritent un vrai débat. Les investissements sur l'eau ne sont pas négociables. Mais que penser d'entreprises privées dont les décideurs font des choix de production et influencent la consommation sans assumer, ou si peu, les conséquences de leurs choix? 

Pourquoi opposer l'investissement départemental de 10 millions € pour l'achat de 10 bus à hydrogène à la gratuité des bus pour contrer l'argument écologique ? Renouveler la flotte des bus fait partie du fonctionnement attendu du service des transports. Les moteurs électriques ou à hydrogène n'émettent pas  ou peu de GES. Sans doute, mais qu'en est-il de la production d'électricité consommée? Surtout, face à l'ampleur annoncée et de plus en plus rapprochée de la catastrophe en cours, n'est il pas temps de réduire le plus massivement possible l'usage de la voiture individuelle, en mettant en place des alternatives qui renforcent la solidarité et les liens sociaux? 

4- Une offre concurrentielle?

Voilà un titre , reflet de la pensée libérale qui organise la segmentation de la population en fonction  du porte-monnaie de chacun. C'est à l'opposé du beau principe mis en oeuvre par la sécurité sociale : "de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins". Il s'agit bien sûr d'assurer une accessibilité minimale de tous aux bus. Le problème est que cette démocratie de la carte bancaire a une fâcheuse tendance à se banaliser : choisir son panier de soin, son alimentation , son école... Ce n'est pas nouveau, mais là où le souci d'égalité prévalait, les libéraux introduisent l'idée que quelques soient ses revenus, on peut choisir...

Tout étant question de choix, les élus sont contraints de choisir  entre la qualité d'une desserte qui permet un accès effectif aux bus et la gratuité. Comme dit Monsieur Kerdraon, "quant à Dunkerque, ils ont dû renoncer à des projets". Oui. ils ont renoncé en effet à un projet de salle de sport et de spectacle Arena de 10.000 places, estimé à plus de 180 millions d'euros sur 27 ans, pour financer la gratuité des transports en commun. Ils ont choisi entre politique d'attractivité et bus gratuits pour tous.

Quant à dire que l'Agglo a fait le choix à l'unanimité du rejet de la gratuité, pour avoir entendu des avis d'élus favorables à la gratuité des bus, je me demande si M. Kerdraon n'a pas une oreille sélective !

Au-delà de ces remarques inspirées par le refus de la gratuité des bus dans l'agglo, la gratuité porte un projet de société égalitaire dont la priorité est d'assurer à tous les droits humains nécessaires à une vie digne.

Cette gratuité peut être modulée en fonction des biens communs concernés : assurer la gratuité des premiers m3 d'eau, des premiers KW/h et instaurer le renchérissement du mésusage.

Danièle Mauduit, 6 septembre 2022 (2)

(1): sur le site du journal: https://www.letelegramme.fr/cotes-darmor/saint-brieuc/pourquoi-l-agglo-briochine-n-envisage-pas-la-gratuite-de-ses-bus-04-09-2022-13172451.php

l'entretien en PDF Gratuite bus kerdraon telegramme 4 9 2022Gratuite bus kerdraon telegramme 4 9 2022

(2): cette réaction a été transmise au Télégramme, elle n'a pas été publiée à ce jour.

 

gratuité des bus Saint-Brieuc

Ajouter un commentaire

Anti-spam