Libérer le travail, pourquoi la gauche s'en moque et pourquoi ça doit changer

Libérer le travail 

139037 couverture hres 0

T. Coutrot présente une question, selon lui, impensée de la gauche mais fondamentale: les droits des salariés à décider de l'organisation de leur travail. Voici quelques points, tels que je les ai perçus.

Si 1/3 des salariés se dit heureux au travail, le travail est en souffrance et en débat. A l'insécurité de l'emploi s'ajoutent l'intensification du travail et la réduction des marges de manœuvre laissées aux salariés pour atteindre des objectifs trop souvent inatteignables par ex: les protocoles indiquent et minutent les démarches à suivre, les écarts réduits entre le travail prescrit et le travail réel entravent la créativité du salarié, empêchent de bien faire son travail, et le travail y perd son sens.

Or, cette liberté du travail relève du patronat. Elle et a été trop longtemps délaissée par les syndicats dont les priorités étaient les salaires et la durée du temps de travail. Pourtant, la liberté d'organiser comment produire est urgente. La fin du travail est un mythe né du déterminisme technologique et numérique.

Les salariés ont opposé de nombreuses résistances et luttes au taylorisme et autres politiques du travail en miettes de la révolte des OS dans les années 60 à la contestation du toyotisme dans les années 80.

Les diverses expériences d'organisation autonome du travail génèrent des gains de productivité et un mieux-être au travail. Malgré cela, elles se heurtent à des obstacles venus d'un patronat qui ne supporte pas de perdre du pouvoir et de salariés qui restent dans des relations de subordination les soumettant à des exigences croissantes de profit, lesquelles ne font pas bon ménage avec l'autonomie au travail.

 

Le travail abstrait, induit par le capitalisme, fait de la force de travail une marchandise pour laquelle le travailleur doit trouver preneur dans un contrat d'égalité formelle mais de domination réelle dépersonnalisée. Ayant vendu sa force de travail, il doit laisser le capitaliste en disposer à sa guise. La valeur d'usage s'efface devant la valeur d'échange pour l'ouvrier... En tant que prolétaire ce qui lui importe, c'est que la production soit vendue et son salaire payé. Il devient dépendant de la croissance du capital, quelles qu'en soient les conséquences pour lui, les autres ou la nature.

Le capital a le pouvoir de décider ce qui est produit et comment. En multipliant fraudes en tous genres, licenciements boursiers, spéculation effrénée, délocalisation et sous-traitance inhumaine..., les actionnaires se sont discrédités, disqualifiés. Les dégâts écologiques, sociaux, politiques occasionnés par leurs choix sont énormes. Sortir du capitalisme ne suffira pas.

La dépossession des salariés de leurs droits et de leur pouvoir d'agir sur l'organisation du travail les détourne de la vie politique: des données statistiques soulignent la corrélation entre la dégradation des conditions de travail depuis l'offensive du néolibéralisme et la montée de l'abstention et de l'extrême droite... Comme si la passivité contrainte au travail induisait une passivité citoyenne."Être exploité, contraint à un travail aliéné, ne serait-ce que deux heures par jour, c'est être asservi le reste du temps" Michel Husson

 

Un mouvement social fort pour la liberté du travail pourrait contribuer à la reconstruction d'un pouvoir d'agir populaire.

Des pistes variées sont proposées: reconnaissance du travail concret, de la valeur d'usage. Travail collaboratif (coopération entre pairs autour d'un projet commun), coopératives, autogestion, nouvelle définition des communs: " une manière d'organiser collectivement et démocratiquement la production et l'accès à des ressources quelle que soit leur nature". S'appuyer sur le care et l'écoféminisme, le travail vivant. Tout ce qui assure la reconnaissance et le soin au vivant.

Pour affirmer la démocratie dans l'entreprise, l'égalité et la liberté du travail, la force du travail vivant, libérer les salariés du lien de subordination qu'exercent sur eux les actionnaires via le marché du travail par une sécurité sociale du travail, un salaire à vie...

En s'appuyant sur le syndicalisme et le mouvement écologique, construire un bloc historique des habitants de la planète pour la défense et la promotion de la vie sous toutes ses formes!

 

Danièle Mauduit

"Libérer le travail, pourquoi la gauche s'en moque et pourquoi ça doit changer" Thomas Coutrot Editions du Seuil mars 2018 20€

Ajouter un commentaire

Anti-spam