La fabrique des pandémies

9782348054877A l'issue de la Marche pour une VRAIE loi climat du dimanche 28 mars 2021 à Saint Brieuc, Annie Le Guilloux est intervenue au nom de Halte Aux Marées Vertes en présentant le dernier livre de Marie-Monique Robin:

"Lutte contre le réchauffement climatique, contre les pandémies et contre l’élevage industriel : même combat

On m'a proposé de prendre aujourd'hui la parole au nom de Halte Aux Marées Vertes. Si j'ai accepté c'est que Halte Aux Marées Vertes combat depuis 20 ans l'élevage industriel et que, bien entendu, ce combat s'inscrit pleinement dans la lutte pour le climat. En effet, au niveau mondial, l'agriculture et l'élevage sont responsables d'environ un quart des émissions de gaz à effet de serre mais en Bretagne les émissions agricoles représentent 40 % des émissions, donc ici, on ne peut pas prétendre lutter contre le réchauffement sans modifier en profondeur le modèle agricole.

Mais tout cela, vous vous en doutiez déjà et je ne vous apprends probablement rien. En revanche, il y a une annonce que je voulais vous faire aujourd'hui et qui me tient particulièrement à coeur. Une annonce un peu atypique sans doute puisque je vais vous parler d'un livre. Rares, très rares sont les lectures dont vous pouvez dire qu'elles vous ont profondément marqués, définitivement marqués. Et je dois dire que je viens d'achever la lecture d'un essai qui a eu un impact sur ma vision des choses dont je ne trouve pas d'équivalent dans mon passé.

Ce livre s’intitule : "LA FABRIQUE DE PANDÉMIES Préserver la biodiversité un impératif planétaire" Ed. La Découverte, 20 €. Il est signé de Marie-Monique ROBIN (déjà connue notamment pour son film et son livre "Le monde selon Monsanto"), avec la collaboration du chercheur au CNRS Serge Morand.

M. M. ROBIN s'est entretenue en 2020, via Skype, avec 62 scientifiques du monde entier, des chercheurs de haut niveau, dont les analyses convergent toutes. Que disent-ils, pour autant que je puisse résumer ces 320 pages à la fois passionnantes, foisonnantes d’informations et néanmoins très faciles à lire ? Les équipes pluridisciplinaires de chercheurs (infectiologues, virologues, parasitologues, écologues, géographes, mathématiciens, ethnobotanistes, vétérinaires, médecins...) nous disent ceci.

Nous assistons à une explosion des maladies infectieuses émergentes. Ainsi, 90 % des agents pathogènes recensés en 2014 étaient inconnus dans les années 90. Dans les années 70, 1 pathologie infectieuse était découverte tous les 10 ou 15 ans. Depuis les années 2000, on est passé à au moins 5 nouvelles émergences par an. Il faut aussi savoir que 75% des maladies émergentes peuvent passer de l'animal à l'humain, c'est ce qu'on appelle des zoonoses.

Sida, maladie de Lyme, SRAS, MERS, Ebola, fièvre du Nil, dengue, zika, chikungunia, fièvre de Lassa, ulcère de Buruli, celles qu'on n'appelle plus grippe aviaire, et peste bovine ou porcine mais H1N1, H5N1, H5N2, H7N2, H7N7, H9N2, etc etc.

La pandémie de Covid 19 n'est en fait que la partie émergée de l'Iceberg. Les scientifiques sont formels : d'autres pandémies vont suivre. Il ne sert à rien de courir après un énième vaccin censé protéger contre la énième maladie infectieuse. Il faut accepter de s'interroger sur les causes et s'attaquer aux causes. Sinon "nous allons entrer dans une ère d'épidémies de pandémies et un confinement chronique".

Depuis plus de 20 ans, des scientifiques tirent la sonnette d'alarme, de façon claire et très documentée. Il y a sur terre environ 7 millions de virus, sans compter les variants et les bactéries. Les chercheurs nous montrent comment la destruction des écosystèmes crée des déséquilibres qui conduisent à la multiplication et à la diffusion d'agents pathogènes qui, jusque là, circulaient à bas bruit dans des espaces circonscrits.

Ces destructions qui bouleversent les écosystèmes sont le résultat de la déforestation, pratiquée à large échelle dans les pays du sud pour implanter des monocultures bourrées de pesticides, comme par exemple celle de soja OGM pour nourrir les animaux des élevages industriels européens, ou de palmiers à huile pour alimenter les réservoirs de nos voitures. Déforestation mais aussi fragmentation des espaces naturels par le développement du réseau routier, des barrages, des exploitations minières ou encore le développement urbain. Le péril sanitaire est aussi lié à la globalisation qui provoque le déplacement de milliards d'humains, d'animaux et de marchandises d'un bout à l'autre de la planète, en diffusant les pathogènes.

La crise sanitaire majeure dans laquelle nous sommes entrés est donc clairement imputable à l'érosion catastrophique de la biodiversité. Ses effets sont amplifiés par le fait que les humains ont le plus souvent un système immunitaire amoindri, déficient, en raison d'une vie dans le béton aseptisé, de la malbouffe, etc.

L'élevage industriel est donc doublement à bannir. D’une part, car il est grand consommateur de protéines végétales, ce qui contribue à la diminution des espaces naturels où vit la faune sauvage. D’autre part, car il sert de pont épidémiologique, de vecteur pour le passage des agents infectieux aux humains (nous avons 95 % de gènes en commun avec le cochon). Voir l’exemple du Virus Nipah*. Le jour où un virus de peste porcine se répandra comme traînée de poudre dans nos concentrations bretonnes de cochons quasi-clonés et stressés-affaiblis et que le virus sera transmissible aux humains, que ferons-nous ? ?

Certains scientifiques n'hésitent d’ailleurs pas à dire que, compte tenu de la place prise par l'élevage à travers le monde et son impact catastrophique, nous sommes entrés dans le "bovinocène".

Alors, qu'il s'agisse de réchauffement climatique ou de péril sanitaire, les causes sont exactement les mêmes. Tout est lié. Il faut d'urgence repenser le rapport de l'humain au vivant : nous faisons partie du vivant, nous ne sommes pas au-dessus. "On ne peut pas avoir d'humains en bonne santé dans un environnement en mauvaise santé".

Dans le registre des solutions, alerte forte des scientifiques : "La santé planétaire est impossible tant qu'on ne résoudra pas la question des inégalités sociales qui constituent le moteur de la bombe écologique".

La lecture de ce livre n’est pas désespérante car son contenu est éclairant (quoi de plus anxiogène que de ne pas comprendre ce qui nous arrive !). Alors lisez, faites lire, faites connaître d’urgence "La fabrique des pandémies", un éclairage salutaire, absolument indispensable sur ce que nous vivons actuellement, sur l'effondrement qui se prépare si nous n'ouvrons pas les yeux."

Annie

Secrétaire de Halte Aux Marées Vertes

* Un exemple parmi une kyrielle d’autres : le virus Nipahqui a émergé en 1998 en Asie du Sud-Est. Déforestation de l’île de Bornéo pour y planter des palmiers à huile. Chassées de leur habitat naturel, les chauves-souris affamées se rabattent sur une île voisine où elles s’installent dans des arbres fruitiers sous lesquels sont élevés en quantité industrielle des cochons pour l’exportation (pays musulman où l’on ne mange pas de porc). Les défécations des chauves-souris porteuses du virus Nipah contaminent les cochons qui transmettent à leur tour le virus aux éleveurs ainsi qu’au ouvriers des abattoirs de Singapour. 105 des 265 personnes contaminées meurent d’une encéphalite foudroyante. Crise stoppée par l’abattage rapide d’un million de cochons.

SIDA : Savez-vous le VIH1 vient de chimpanzés du Cameroun et le VIH2 de singes verts d’Afrique de l’Ouest, en lien avec l’expansion coloniale (déforestation, pour le caoutchouc, le bois, l‘ivoire, construction de voies ferrées, travail forcé).

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La fabrique des pandémies. Préserver la biodiversité, un impératif pour la santé planétaire. Marie-Monique Robin, la Découverte, 20 €

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