L’impasse de la métropolisation de Pierre Vermeren

 

 

G05298L’impasse de la métropolisation de Pierre Vermeren,

Notes de lectures; en italique, quelques commentaires.

Pierre Vermeren est professeur d’histoitre contemporaine à Paris1 Panthéon Sorbonne.

 

Née aux EU et développée en France à partir des années 70, “la “métropolisation” décrit la manière dont la polarisation exercée par les métropoles a reconfiguré à la fois les rapports villes-campagnes et ceux qui s’exercent entre la ville-centre et ses banlieues, mais aussi les relations et les oppositions entre les classes sociales, la nature du tissu économique et ses performances, tout en réorganisant de vastes territoires autour d’elles. La métropolisation est une modalité du capitalisme libéral, présentée en idéal politique et de civilisation”

 

Aux municipales de 2020, les écologistes l’ont emporté dans 12 grandes villes de France sans compter la victoire d’une coalition dont ils faisaient partie à Paris.

Les élites sociales françaises vivent en majorité dans la douzaine de métropoles du pays: Paris, Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux, Lille , Strasbourg, Nice, Nantes, Rennes, Grenoble et Montpellier. Au sens strict, ces 12 communes comptent moins de 10% de la population. Avec leurs aires métropolitaines: un peu plus d’un quart (27-28%). Elles hébergent les 2/3 des cadres et des classes aisées, produisent plus de la moitié des richesses nationales, abritent la quasi totalité des médias nationaux.

Les communautés d’agglomération sont des entités administratives nées d’une loi en 1999, qui comptent souvent des dizaines de communes de banlieue, riches ou pauvres (Neuilly et Saint Denis) où résident les populations les plus aisées, principal vivier des écologistes, et les populations issues d’ue immigration récente.

Par son réseau intermétropolitain national bien structuré (par l’avion, les autoroutes et le TGV) et bien relié au reste du monde par les mêmes modes de transport, la France des métropoles n’est plus dépendante (sauf pour son ravitaillement en nourriture, eau...) , du reste du territoire national, puisque ses villes sont reliées par des infrastructures en site propre.

La France périphérique est passée du statut d’arrière-pays ou de bassin de vie à celui de zone de relégation, où la grande ville déverse son trop plein d’activités ou d’habitants. Ces dégradations provoquent des réactions: 2005, la révolte des banlieues; 2018-2019: les Gilets Jaunes.

Les nouvelles populations des métropoles ne votent pas : une minorité , “l’élite” fait les élections et choisit ses élus.

 

Petite histoire du modèle métropolitain à la française

Pour freiner la domination parisienne dénoncée en 1947 par J.F. Gravier dans un livre choc: “Paris et le désert français” 8 métropoles d’équilibre sont mises en place. Précédant la crise du système productif (1973) et la décentralisation législative (1982), lancés dans la seconde moitié des 30 Glorieuses, de grands équipements, projets industriels, “décentralisation” industrielle, administrative, plan TGV sont mis en route. Les exécutifs régionaux se renforcent.

Mai 1968,les dernières journées révolutionnaires à Paris ont fait trembler le pouvoir exécutif et les élites nationales. C’est en asséchant, une fois pour toutes et volontairement, le terreau révolutionnaire de la région capitale – la plaine Saint-Denis est alors la seconde région industrielle européenne après la Ruhr – qu’à partir des années 70, la France met fin à cette histoire. La déconcentration industrielle appuie la décentralisation et le rééquilibrage de la capitale au profit des métropoles régionales. Citroen à Rennes 1961, Renault à Douai en 1970…

 

L’exode rural (3 millions) pendant les 30 Glorieuses, puis l’immigration internationale (3 millions) ont nourri l’essor démographique parisien. La capitale française est devenue une métropole mondialisée. C’est sous le second Empire et l’impulsion du baron Haussmann que le capitalisme français a commencé à surinvestir dans la pierre et les infrastructures. Le grand cycle du béton commence en 1945 et la reconstruction dure jusqu’en 1953. De 1954 à 1973 sont construits 350 Grands Ensembles soit, 6 millions de logements dont la moitié de logements sociaux . En 1965, 9 villes nouvelles sont créées pour enrayer l’étalement urbain dont 5 à Paris.

En 1973, O Guichard met fin aux GE et débute alors la marée pavillonnaire, une course industrielle pilotée par les grands du BTP (Bouygues…) En 1977, l’aide publique (aide à la pierre) bascule vers les ménages (APL, exonérations fiscales…); l’artificialisation des sols s’emballe.

 

La métropolisation s’accompagne de profonds changements sociaux.

La déprolétarisation (1968: 1,8 million d’ouvirers- 2019: 400 000), non par ascension sociale mais par déménagement. Ouvriers... remplacés par des millions d’immigrés venus d’Asie, d’Afrique, du Portugal, d’Europe de l’Est des ex DOM-TOM majoritairement sans formation ni diplômes travaillant dans le bâtiment et les services à la personne ou aux entreprises. = un déclassement et une déqualification massive des classes populaires. Main d’oeuvre sous-qualifiée, interchangeable et sous payée, subissant le mal-!ogement.

Parallèlement s’est développée la gentification (cadres, étudiants): à la fin du XXs, Paris a perdu des centaines de milliers d’habitants (départ des classes populaires) passant de 2,8 à 2,1 millions d’habitants au profit de la banlieue ou de la province. Avec la désindustrialisation, des centaines de milliers de cadres, d’ingénieurs et de jeunes diplômés ont afflué des régions industrielles sinistrées et des pays du Sud. Mouvement favorisé par l’internationalisation de l’économie et amplifié par l’arrivée d’étudiants venus de la France entière et de l’étranger.

Le tournant décisif vers la métropolisation pris pendant les 20 ans de direction Chirac-Juppé à la tête de la ville (1975-1995). Symbole: les 20 000 ouvriers des Halles déménagés au profit d’un pôle marchand, touristique et de loisirs: le forum des Halles.

Politiquement la gauche culturelle et la gauche des minorités a remplacé la gauche ouvrière et révolutionnaire.

 

La nouvelle économie de services à la française

 

Ses composantes:

populations: déprolétarisation -- déclassement des couches populaires – gentrification.

D’où envolée des prix du logement privé par effet de spéculation sur les logements et locaux professionnels et nécessité de logements sociaux: loi SRU de 2000

 

activités économiques et professionnelles.

La déprolétarisation découle de la désindustrialisation qui entraine des faillites des indépendants remplacés par les salariés précaires évoqués qui travaillent pour de grosses sociétés de service (restauration, distribution, transports…)

L’essentiel réside dans la nouvelle économie à haute valeur ajoutée, les sociétés de services aux entreprises( finance, conseil juridique, informatique, communication, etc) et aux personnes (distribution, santé, enseignement supérieur, tourisme, etc..;) qui emploient de nombreux cadres et professions libérales… Cette “classe” émergente génère l’envolée du prix de l’immobilier des logements et des bureaux. Les collectivités sont tenues à de grands aménagements: rénovation et embellissement du bâti, nouveaux axes de transports (TGV, tramways, métros, pistes cyclables), de nouvelles infrastructures et des quartiers résidentiels et des zones d’activités: valoriser le patrioine , répondre aux défis technologiques pour satisfaire les innovateurs, ingénieurs, écologistes et… immobilier construit au rabais pour équilibrer l’ensemble. D’où multiplication des contrastes.

A partir des années 1990 - 2000 le modèle parisien a été imité par les grandes villes via la migration des cadres et étudiants parisiens, par la mobilité accélérée des cadres ex Juppé à Bordeaux.

Une économie de cadres très productive “côtoie” une économie de main d’oeuvre à bas salaires .

 

 

 

Sociologie des métropoles françaises au seuil des années 2020

les fiefs de la bourgeoisie

L’avènement d’une grande classe sociale composée de cadres de professions libérales ou de chefs d’entreprises nourrit la métropolisation. Cette classe aisée ne vit plus au milieu du peuple, mais dans des milieux homogènes, où tous se retrouvent aux mêmes centres de loisirs, restaurants, entreprises, lieux de culte, artères commerciales, lieux de villégiature… cf Pinçon Charlot

Les élites ont fait sécession de la République.

 

L’hécatombe des classes populaires urbaines.

Le gros des classes populaires a dû quitter le monde de la production, tant agricole (par excès de modernisation) qu’industrielle (par excès de délocalisation). L’artisanat a été réduit à sa plus simple expression par la standardisation et l’industrialisation du bâtiment par la mode du jetable et par l’obsolescence programmée. Quelle est alors l’utilité des peintres et des réparateurs?

Restent les services à la personne (nettoyage, aide aux enfants, ou aux personnes âgées) et certains services aux entreprises (gardiennage, entretien des locaux et des espaces verts).

L’envol des prix de l’immobilier chasse les couches populaires des villes laissant place aux CSP+ et à leur mode de vie: salle de sport vs bistrot, magasin bio vs charcuterie...

 

Immigrés et populations nomades: étudiants et touristes

Les étudiants: dans des pôles universitaires géants: jeunes et festifs, ils sont devenus les ingrédients nécessaires pour attirer cadres et touristes, alimenter soirées et manifestations festives. Les étudiants étrangers sont les avant-garde des masses touristiques. Occupent des logements chers via les APL, fréquentent commerces et fast food; sans enfants, réclament peu d’équipements coûteux .

Les touristes, une manne pour les métropoles : mais exerçant une pression sur l’immobilier, de fortes nuisances (bruit, pollution) , fondé sur une main d’oeuvre sous qualifiée, volatile, fragile car fondé sur la mobilité, reste un objectif stratégique de portée internationale pour les métropoles.

Les immigrés de fraîche date remplissent des fonctions essentielles : vivant sur place, dans des logements sociaux ou exigus acceptent les tâches à bas salaires ou pénibles comme le travail de nuit.

 

La tentation du repli et de l’isolement en site protégé

L’enfermement social des métropoles: les bobos = nouvelle génération des cadres franciliens économiquement proches par les revenus de l’ancienne bourgeoisie et culturellement de la gauche , enfants de la méritocratie souvent issus de familles modestes. Le terme gagne la nouvelle bourgeoisie aisée des villes de province, enrichie par la spirale immobilière et ses hauts revenus de cadres.

La gauche française caractérisée par la reconnaissance de la lutte de classe et la défense du prolétariat, dans les années 80, voit l’élite socialiste se convertir au libéralisme économique, sur fond d’effondrement du PC. C’est alors qu’une part croissante de la classe ouvrière a “basculé vers le vote populiste”.

Une rupture s’est produite quand la métropolisation a regroupé les cadres et leurs familles dans des villes et des milieux de vie assez homogènes. Une bourgeoisie nouvelle, culturellement fluctuante, ouverte aux idées libérales et au “progressisme” dès lors que ses acquis matériels ne sont pas menacés = nouvelle clientèle électorale dominante des métropoles. C’est la communautarisation des couches nouvelles à l’aise avec toutes les “élites du monde”. Le déclassement et l’insécurité des couches populaires et moyennes chassées des métropoles ont généré le vote d’extrême droite.

Les tentatives de fédération internationale des métropoles s’amplifient dans les années 2000 avec

des organisations mondiales comme le C40. Soutenu par des organisations de l’ONU et des multinationales, il organise un Congrès annuel mondial des maires des grandes métropoles qui aurait implulsé 14 000 actions en faveur du climat de 2012 à 2018, hors des contingences locales et nationales.

San Francisco, la grande majorité des noirs, natifs de la ville et nombreux en 1960, en ont été chassés. Championne mondiale de l’écologie et de la tolérance, SF a vu son programme de soutien aux énergies vertes nominé au C40 de 2019! L’écologie sans les pauvres peut se déployer de façon plus performante!

 

L’écologie comme barrière sociale

Pour remporter une grande ville française, il faut promettre de planter des arbres “pour oublier la détresse.” une nécesité, certes mais l’écologie représente un rôle de barrière sociale pour protéger la ville et ses habitants privilégiés du reste du monde, en premier lieu de la société française. L’auteur voit dans les mesures d’entrave aux véhicules polluants et à la circulation dans la ville, la volonté d’assurer un cadre de vie sain et végétalisé aux nouveaux riches et de réduire autant que possible l’accès des villes aux “déclassés”… la manifestation aussi d’un parti de la vertu visant à restaurer le privilège urbain;

 

Des villes contre leurs habitants?

Ce que peut laisser penser le départ de nombreux habitants chassés par les nuisances et le prix du logement. Le plus grave: la baisse du nombre d’enfants. En fait, les équipements propres aux vieillards, handicapés, pauvres et enfants coûtent cher à la collectivité et les métropoles les voient partir sans regrets.

Ainsi se poursuivent la course à la valeur financière et le désir des élites de se débarrassser de tout ce qui est trop humain. La ville se déhumanise et se rationalise. L’Ile de France produit 31% de la Valeur Ajoutée et jouit de 22% des revenus disponibles après impôts, mais la survie de la démocratie politique ne peut pas reposer sur l’assistanat.

NP: c’est d’autant plus antidémocratique 1-que les premiers de cordée jouissent de revenus aussi indécents qu’injustiés bénéficiant de salaires exorbitants et de propriétés lucratives et 2-que les premiers de corvée sont sous-payés alors que très utiles socialement.

 

Les impasses du modèle révélées par la crise des GJ

La partition sociale et territoriale

- la France des métropoles: concentre la production de richesses, les populations les plus aisées, l’économie de prédation, les trafics illicites (stupéfiants) et vles iolences; cf Grenoble

Les métropoles sont devenues de vrais scandales environnementaux: le Paris de Haussmann comptait 3 millions d’hab sur 105km² (Bois de Boulogne et Vincennes compris) . L’agglomération parisienne actuelle (déf INSEE): 10,7 millions d’habitants sur 2 845 km² . 27 fois plus de superficie pour une population 3,5 plus nombreuse. L’étalement urbain est un scandale écologique qui rend la politique patrimoniale et écologique des centres-villes presqu’inutile. Les maires s’attaquent à des finitions ou à des détails pour satisfaire leurs électeurs, quand il faudrait tout repenser à l’échelle régionale.

Les facteurs aggravants:

-esthétiques: avènement de la ville moche

- le réaménagement du territoire ,conçu dans les années 60-70: le tout électrique (nucléaire), le tout autoroute, le tout TGV, le tout aérien ont forgé des infrastructures à grande emprise au sol pour relier les métropoles entre elles et au monde , formant un archipel des métropoles, découpant des cases, séparées par des autoroutes et le TGV construits en site propre, autant de barrières infranchissables pour la faune, voire pour les habitants…

 

l’archipel des métropoles: un modèle viable?

l’écologie urbaine est, à bien des égards, un miroir aux alouettes. Portant sur des actes mineurs , ruches urbaines et jardins à partager économie d’eau, vélo urbain… Mais avant d’en arriver là au coeur des métropoles, il a fallu, fallu concentrer des millions de gens dans des lieux très denses et réorganiser le territoire national et international, à grands frais: chaque jour, 20 000 camions relient l’Espagne à Paris via Bordeaux consommant plus de pétrole et de gaz en une semaine que l’agglomération bordelaise en un an – les 3 aéroports parisiens anéantissent les efforts de centaines de milliers de cyclistes désireux de rouler propre. Pour répondre aux demandes des métropolitains pressés des lignes TGV ont saigné les paysages sur des milliers de km, détruisant des propriétés agricoles, coupant des massifs forestiers et les milieux naturels, fracturant des villages…

Les coûts écologiques de l’organisation du système métroplitain sont exorbitants.

La désindustrialisation a boosté des transports au coût écologique faramineux.

Essayer de réparer les dégâts de ces choix est une gageure: l’agriculture urbaine fait preuve de bonne volonté … sans compenser les ravages de l’économie spéculative qui a livré les terres agricoles à l’artificialisation des sols ni ceux de la grande distribution qui à force de pressions, de rabais et de discount a détruit la rentabilité de la production agricole de proximité, (NP depuis 1961, le pays a perdu l’équivalent du Grand Est en territoires agricoles + les dégâts de l’agriculture industrielle subventionnée qui accapare et détruit les sols, contrôlée par l’agrobusiness.). L’agriculture urbaine n’est plus qu’un cache-misère.

 

La République en échec.

Si s’amorce un exode urbain accentué par le COVID, si les villes moyennes mettent en avant leurs qualités spécifiques, elles sont aussi touchées par l’abstention du fait de la dégradation de la légitimité des élus et les limites de leurs marges de manoeuvre. Même les élus des grandes villes ne sont élus que par des minorités.

Forts de leurs principes démocratiques réaffirmés, les nouveaux maires écologistes de 2020 veulent-ils renouveler les pratiques et l’ancrage de la citoyenneté municipale?A. Hidalgo à Paris, Pierre Hurmic à Bordeaux, Jeanne Barseghian à Strasbourg ont décrété l’état d’urgence climatique, dénué de base juridique. Le projet vise “à défendre une limitation des libertés [ce qui] n’est pas liberticide” selon Manon Aubry. libertés d’éclairage , de chauffage, de déplacement, de consommation, ces nouveaux élus se présentent en apôtres de la “démocratie participative”, il y a un fossé avec leurs pratiques. Ils gouvernent avec leurs seuls proches… ce qui est un grave sympôme de la crise de la République.

 

Les effets délétères de la diffusion du modèle métropolitain

Les ruses et les coûts du capitalisme bâtisseur

“la politique de la ville” lancée par JL Borloo a coûté 100 milliards € de 1989 à 2018, en vain puisque le problèmes sociaux (intégration, chômage des jeunes, insécurité)… sont aggravés. L’argent n’a guère été affecté aux moyens humains, mais beaucoup plus au bâti profitant au BTP et pour 1/3 dans les métropoles.

La politique d’infrastructures menée de puis les années 80, affectée surtout aux métropoles se chiffre en centaines de milliards €:

-pour les réseaux intermétropolitains: TGV en 25ans 38% des investissements pour les seules LGV pour 9,5% des passagers...

-investissements somptuaires réalisés dans les infrastructures internes des métropoles: la grande boucle de métro automatique autour de Paris : 38,5 milliards €! “la bétonisation de l’Ile de France et des métropoles est la première cause de l’investissement national , de l’artificialisation des sols et des déséquilibres au détriment des transports nationaux. La survie artificielle du capitalisme rentier national et de notre économie semble être à ce prix”

+ Le suréquipement en services divers… dépasse les besoins réels des métropoles et du reste du pays quand les services publics sont mis au régime sec. C’est le résultat des pressions des géants du BTP et des équipementiers français sur les grands exécutifs locaux et régionaux, principaux commanditaires de l’investissement public national.

 

La contagion du modèle dans les grandes villes non classées . Ex la Bretagne… “Migration de cadres, d’étudiants, tourisme de masse et désormais migrations internationales (essentiellement africaines) , la Bretagne s’est offerte à la métropolisation.

Alors que toute la France se pare de vertus écologiques, on assiste en Bretagne depuis 1990 à une seconde modernisation. La métropolisation de Rennes et Nantes a entraîné un imposant mitage urbain qui a contaminé les zones rurales périphériques, bourgs et petites villes sur de longues distances. Une ceinture touristique et résidentielle dense a conquis le littoral de Loire Atlantique et du Morbihan au moins jusqu’à Carnac. Puis toutes les villes moyennes se sont dotées de zones d’activités considérables au regard de leur taille et de leur économie. St Malo avec 46 000 habitants a une superficie égale au tiers de celle de Paris. Saint Brieuc avec une aire urbaine de 94 000 habitants est plus étendue que Paris ( 17 km² de +)Brest pour 110 000 habitants a une aire urbaine équivalente au double de Paris. Or, pour d’étranges raisons, faire comme les métropoles et en imposer, ces territoires font l’objet d’une incroyable compétition: infrastructures, activités artisanales, résidentielles, industrielles, agricoles, touristiques, logistiques, administratives, commerciales, etc. se sont lancées dans l’occupation extensive de l’espace.. De petites villes comme St Malo ou St Brieuc sont devenues de véritables agglomérations Potemkine, ou du moins distordues, ceinturées de zones commerciales et d’activités. En 2020, St Brieuc vient de se doter d’une deuxième rocade autoroutière comme Paris! Le surinvestissement et la bétonisation , loin de régresser, depuis NNDL et l’Accord de Paris sur le climat (2016) s’accélère.

Pire, sur les deux rocades bretonnes, la nord et la sud, qui vont de Rennes à Brest, les communes traversées font un concours d’exposition de leurs activités…l’idée du béton et du macadam salvateurs, même sans croissance, s’est emparée de toute la Bretagne à la suite de ses métropoles...

Or cette croissance extensive repose sur le gaspillage des espaces plus que sur des progrès humains et techniques, entamant de manière irrémédiable, le patrimoine hérité.”

 

Un gaspillage énergétique et spatial sans limites

Si la ville centre se veut vertueuse, écologique, économe, restaurée et préservée…, la périphérie vouée aux pauvres et aux couches moyennes , aux zones commerciales et aux déchetteries… connaît un autre sort où la nature a disparu ou presque.

La maîtrise énergétique interne devient gaspillage quand les citadins partent en vacances, WE, voyages d’affaires avec TGV, avion, voitures… La pratique assidue de l’électronique, le recours croissant au chauffage et demain à la mobilité électrique imposent le recours à des énergies nouvelles. L’éolien n’est pas écologique, les 8 000 éoliennes françaises= pollution visuelle, nocturne, bétonnière : 800 000t d’acier et 5 millions de m3 de béton et des matériaux :45 000 pales et batteries non recyclables et pleines de matériaux rares, à changer régulièrement!

La métropolisation a organisé le découplage entre la production et la consommation: la délocalisation de la production a créé un réseau industriel et marchand planétaire qui a fait passer la production industrielle chinoise de 1 à 30% de la production mondiale en 40 ans nécessitant une chaîne d’approvisionnement mondial entre l’Asie du SE et l’Europe et les E.U. L’agriculture française a suivi avec la destruction des banlieues maraîchères.

Les périphéries restent le domaine de la voiture… la France est le pays le plus équipé en GMS: en 2018: 2 000 hypermarchés et 10 000 supermarchés, une forme de consommation liée à la voiture.

 

Conclusion

Un modèle de développement déjà obsolète?

L’effet le plus saillant de la métropolisation: créer 2 France séparées. 30 à 35 millions de citoyens relégués dans la France périphérique ont pour l’essentiel été sortis du système de la production nationale des richesses.

L’Etat a inventé le plus grand système de redistribution sociale du monde 760 milliards € en 2019. Le contrat social déchiré, l’abstention s’envole. Les couches populaires sont de moins en moins connectées aux systèmes nationaux et les cadres eux-mêmes remettent en cause ce système métropolitain et l’insécurité qui s’y développe, ses fragilités économiques et écologiques….

“Replacer les classes moyennes au centre de la société et mieux associer les classes populaires au processus de production, reviendra entre autres, à déchoir les métropoles de leur piédestal….”

Danièle Mauduit E!22 18 mai 2021

L’impasse de la métropolisation de Pierre Vermeren, collection Le débat Gallimard Avril 2021 11€ 106p

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