Debout les femmes!

« Debout les femmes ! » de Gilles Perret et de François Ruffin…

   Bon, c’est clair, si François Ruffin n’existait pas, il faudrait, d’urgence, l’inventer! Après les excellents « Merci patron !« ,  » J’veux du soleil« , le député documentariste nous revient avec « Debout les femmes« , peut-être la plus élaborée, la plus maîtrisée de ces trois œuvres. En outre, la collaboration avec Gilles Perret, lui aussi réalisateur documentariste.  s’avère parfaite, ce qui est tout à fait logique quand on regarde un peu le parcours de ce dernier.

   « Debout les femmes! » est un film intéressant à plein d’égards, mais en particulier d’une part d’un point de vue cinématographique, et, d’autre part -et surtout!-, d’un point de vue politique et social.

   Le film est avant tout un excellent documentaire, absolument maîtrisé par deux professionnels, deux spécialistes de la chose. Le parti pris de départ, le sujet qu’ils ont décidé de traiter est remarquable: il s’agit d’un reportage sur le « métier » de député de la République, du moins de ce que devrait être le travail d’un député et beaucoup de nos élus -trop nombreux, certes!-, devraient en prendre de la graine. C’est la genèse d’un projet de loi qui nous est montré, les coulisses de l’Assemblée Nationale, son fonctionnement et le sérieux du travail, le député prenant le temps et ne ménageant pas sa peine pour aller sur le terrain rencontrer les protagonistes de son film. Ensuite le travail cinématographique est excellent, tant du point de vue de la mise en scène -car, oui, un documentaire, cela se met aussi en scène!- que du point de vue du montage -remarquable en tous points, parce que très fort!-, que du point de vue du choix des accompagnements musicaux! Vraiment, un travail cinématographique exceptionnel!

   Mais le film est éminemment et surtout un film politique et social remarquable. Ruffin a choisi  d’enquêter sur les métiers essentiels -surtout en temps de confinement!-, qu’exercent les femmes de ménage, les accompagnants de vieillards en perte d’autonomie, les auxiliaires de vie scolaire de l’Education Nationale (AVS), etc. bref, ce que l’on a l’habitude d’appeler « les métiers du lien ». Rappelons qu’il y a  quatre métiers qui tissent du lien entre les personnes, «du berceau à la tombe» : assistante maternelle, accompagnante d’enfant en situation de handicap, animatrice périscolaire et auxiliaire de vie sociale. Ces emplois, très largement occupés par des femmes, souffrent d’un statut précaire, de revenus parcellaires. Dans le film, les réalisateurs ont fait des choix efficaces. Si l’on sent leur empathie pour les femmes qu’ils rencontrent, ils savent les mettre en valeur et leurs témoignages, souvent au bord des larmes, provoquent une intense émotion, surtout qu’en outre, l’humour -grande force de résistance!- est souvent très présent. En outre, il y avait tout de même un obstacle de taille pour cette mission: on avait mis dans les pattes de Ruffin un député de la REM (République en Marche, pour ceux qui ne suivraient que de loin l’actualité politique), et pas n’importe lequel, « une tête de con », selon Ruffin lui-même, Bruno Bonnell, chef d’entreprise, député du Rhône et, pour tout dire, pas spécialement de gauche! La grosse surprise, c’est la connivence , la complicité même qui va naître entre les deux hommes, le respect mutuel et, à vrai dire, presque l’amitié. Incompréhensible, jusqu’au moment où l’on assiste à l’un des moments très émouvants du film, lorsque Bruno Bonnell explique qu’il est au courant du problème, qu’il l’a vécu dans sa propre chair, qu’il connaît les auxiliaires de vie, parce que l’une d’elles a accompagné son propre fils, multi handicapé, jusqu’à sa mort. Et puis le film met en vedette toutes ces femmes, opposées à la Macronie, à tous ces hommes politiques, au discours humaniste, mais à la pratique capitaliste, au service des riches et des actionnaires. En Macronie -mais c’était vrai aussi en Sarkozie ou en Hollandie-, c’est l’économie qui prime au détriment de l’humain, alors que l’économie devrait être au service de l’humain.

   Le film de François Ruffin, pour toutes ces raisons, est un film que tout le monde devrait voir et revoir, les femmes bien sûr, mais aussi tous les gens du peuple auquel le film s’adresse, et pas seulement les  convaincus, ou les gens à conscience politique forte.

Henri Orhan, 18 octobre 2021

Cette chronique a été publiée sur le blog d'Henri Orhan https://regardscritiquesho22.wordpress.com/2021/10/18/debout-les-femmes/

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