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Gratuité les interventions
« Chantiers de la Gratuité »
5 juin 2010 St Brieuc
La journée commence avec la lecture de l’Ode à l’air de Pablo Neruda par Michèle Kerhoas, comédienne. Accompagnement musical : Pol Huellou au shakuhachi et Myrdhin à la harpe celtique.
ODE A L’AIR
Sur un chemin
j’ai rencontré l’air,
je l’ai salué, je lui ai dit
respectueusement :
« Je suis heureux
que pour une fois
tu laisses là ta transparence,
comme ça nous pourrons parler. »
L’infatigable
dansa, remua les feuilles,
fit tomber d’un éclat de rire
la poussière de mes semelles,
et dressant toute
sa mâture bleue,
son squelette de verre,
ses paupières de brise
immobile comme un grand mât
il se maintint pour m’écouter.
Moi, je baisai sa cape
de roi du ciel,
je me drapai dans son drapeau
de soie céleste
et lui dis :
monarque ou camarade,
fil, corolle, ou oiseau,
je ne sais qui tu es, mais
je te demande une chose :
ne te vends pas.
L’eau s’est vendue
et des conduites
dans le désert
j’ai vu se terminer les gouttes
et le monde pauvre, le peuple
marcher avec sa soif
titubant sur le sable.
J’ai vu la lumière de la nuit
rationnée,
la grande lumière dans la maison
des riches.
Tout est aurore dans les
nouveaux jardins suspendus,
tout est obscurité
dans l’ombre
terrible de l’impasse.
La nuit
mère marâtre
en sort
avec un poignard au milieu
de ses yeux de hibou,
et un cri, un crime
fusent et s’éteignent
happés par l’ombre.
Non, air,
ne te vends pas,
que nul ne te canalise,
ne te mette dans des conduits
ne te mette dans des boîtes
ne te comprime,
ne fasse de toi des tablettes,
ne te mette en bouteilles,
attention !
appelle-moi
quand tu auras besoin de moi,
je suis le poète fils
de pauvres, père, oncle,
cousin, frère
et beau-frère
de pauvres, de tous,
de ma patrie et des autres,
des pauvres qui vivent près du fleuve,
et de ceux qui sur la hauteur
de la cordillère verticale
taillent la pierre,
clouent des planches,
cousent du linge,
coupent du bois,
écrasent les mottes
et c’est pour ça
que je veux qu’ils respirent,
ils n’ont rien d’autre que toi,
et c’est pour ça que tu es
transparent,
pour qu’ils voient
ce qui viendra demain,
c’est pour ça que tu existes,
air,
laisse-toi respirer
ne t’enchaîne pas,
ne te fie à personne
qui viendrait en automobile
t’examiner,
laisse-les,
moque-toi d’eux,
fais voler leur chapeau,
n’accepte pas
leurs propositions
allons ensemble
danser à travers le monde,
décrocher les fleurs
du pommier,
entrer par les fenêtres,
siffler ensemble,
siffler
des mélodies
d’hier et de demain,
et un jour viendra
où nous libérerons
la lumière et l’eau,
la terre, l’homme,
et tout sera
pour tous, comme tu es.
Alors, maintenant,
attention !
et viens avec moi
nous avons encore beaucoup
à danser et chanter,
allons
le long de la mer,
sur le haut des monts,
allons
où l’on verra fleurir
le printemps nouveau
et d’un coup de vent
et de chant
distribuons les fleurs,
l’arôme, les fruits,
l’air
de demain.
Gaëlle Malard : Bonjour à tous, je voudrais remercier, au nom du collectif, la comédienne Michèle Kerhoas, les musiciens Pol Huellou au shakuhachi et Myrdhin à la harpe celtique.
Cette journée est organisée par le collectif « pour la gratuité » composé d’AC, d’ATTAC, de la FASE, de la LDH, des MJC22, du NPA, et du PLOUG. Nous avons le plaisir de recevoir pour vous parler de la gratuité dans tous ses états, d’en débattre avec vous : Alain Gilfort, maraîcher bio et militant du PLOUG, Jean-Louis Sagot-Duvauroux, philosophe et homme de théâtre, et Alain Belviso, président de la communauté d’agglomération d’Aubagne et cet après-midi Michel Blin, ancien conseiller municipal délégué à l’eau à Lannion. J’espère que ça va bien se passer. Merci d’être venus, je vous souhaite une bonne journée et de bons débats.
Intervention d’Alain Gilfort , maraîcher et membre du PLOUG
Ce ne sont que deux facettes d’une même conception du bien commun.
Parfois, je me surprends à utiliser les mêmes mots pour les semences agricoles et pour l’informatique.
Je suis maraîcher, dans ce cadre je vous parlerai des semences et de la situation des semences aujourd’hui et il y aura une bourse aux graines dans la journée et vous pourrez repartir, si vous avez un jardin, avec des petites graines. Je suis aussi, membre du PLOUG, même si maintenant, je parle en mon nom propre (PLOUG c’est-à-dire association de promotion des logiciels libres et gratuits). C’est le mot gratuit qui m’a amené ici et de ce fait vous aurez en prolongement une install party, c’est-à- dire que vous pourrez venir en discuter et repartir avec des logiciels libres et gratuits dans vos poches si vous avez des clés USB ou autres...
Les deux thèmes, si loin l’un de l’autre en apparence, se rejoignent car ils procèdent des mêmes mécanismes de création et de gestion. Ce ne sont que deux facettes d’une même conception du bien commun. Parfois, je me surprends à utiliser les mêmes mots pour les semences agricoles et pour l’informatique. Le plan de la conférence s’applique aussi bien à l’un qu’à l’autre.
L’informatique concerne tous les citoyens, pas seulement quelques professionnels. C’est un des rouages de nos sociétés. Le citoyen ne doit
pas en être dépossédé.
Définitions
L’informatique est une science. L’ordinateur est l’outil de cette science. Il se compose d’une partie matérielle : la boîte en plastique avec des puces dedans et d’une partie immatérielle, c’est le logiciel, la partie intelligente qui permet d’effectuer des tâches d’informatique.
Gratuité et liberté
« Liberté et gratuité sont deux qualificatifs qui sont différents.
A l’analyse, on s’aperçoit que les deux notions sont fortement liées. »
Liberté et gratuité sont deux qualificatifs qui sont différents. A l’analyse, on s’aperçoit que les deux notions sont fortement liées. La notion de gratuité est facile à comprendre. La question se résume à: « je sors mon porte-monnaie ou je ne le sors pas». Ce qui est assez binaire.
En fait, la gratuité des logiciels n’est que la partie immergée de l’iceberg.
Elle est l’aboutissement de deux manières de penser et de gérer le bien commun.
La liberté demande une définition plus précise car nous ne sommes pas, dans le cadre de l’informatique, habitués à l’associer à des logiciels.
Historiquement les connaissances ont toujours été échangées
Je ne vais pas remonter au Big Bang, mais en gros, l’informatique ne tombe pas du ciel, ça procède du travail de générations de scientifiques dans de multiples disciplines, les mathématiques, la cybernétique, la productique… Ce n’est que l’aboutissement de l’historique des sciences depuis les origines et ça aboutit à l’informatique, ça aboutit maintenant aux réseaux qui est la mise en liens des ordinateurs entre eux. C’est un grand mouvement. Je dis ça pour expliquer que le fait de mettre des brevets ou des licences, sur les logiciels peut être considéré comme un accident historique. A la base, les connaissances ont toujours été échangées. La communication, ça veut dire « être en relation avec », ça remonte à la nuit des temps, c’est quelque chose qui est inhérent à l’être humain, on ne peut pas empêcher les êtres humains de communiquer, d’échanger.
Le logiciel libre dépend de toute cette chaîne de connaissances et de disciplines, c’est un héritage. S’intéresser à la nature des logiciels, c’est fondamental.
Le logiciel libre : quatre libertés fondamentales
« Un logiciel libre est un logiciel dont la licence dite « libre » donne à chacun de ses utilisateurs
(et sans contrepartie) un certain nombre de libertés. »
Un logiciel libre est un logiciel dont la licence dite « libre » donne à chacun de ses utilisateurs (et sans contrepartie) un certain nombre de libertés.
C’est aussi simple que ça : quand vous installez un logiciel, vous avez une petite fenêtre qui s’affiche et dit je veux bien m’installer, mais est-ce que vous acceptez ou non les termes de la licence ? D’habitude on coche oui, ça s’installe, si on coche non, ça ne s’installe pas. En général personne ne lit les termes de la licence. Là aussi si vous allez sur Internet vous verrez des codes de juristes qui ont des choses très intéressantes à dire sur la nature des licences propriétaires des logiciels.
Donc le logiciel libre, c’est quoi ? C’est quatre libertés fondamentales :
1- Utiliser le logiciel libre sans restriction (liberté d'accès, d'usage et de choix). L’exécution du logiciel est la même pour tous les usagers quels qu’ils soient. Il y a une notion d’égalité. Tous les usagers sont égaux devant le logiciel.
2- Etudier le code source, ou du moins accéder au code source et l'adapter à ses besoins. Ce que l’on appelle le code source c’est le texte en clair du logiciel. La conception du logiciel, c’est comme la conception d’un gâteau par exemple et d’une recette : la recette est écrite en clair. Si on n’a pas la recette, on a le gâteau, mais on ne sait pas de quoi il est fait, on fait confiance, mais on n’accède pas à la recette. Avec le logiciel, c’est pareil, il y a un texte en clair qui est traduit pour la machine, ce qu’on ne peut pas lire, le code machine, mais le code source on peut le lire. C’est le droit de savoir comment fonctionne le logiciel et d'avoir sa propre opinion.
3- Modifier le code source, ou le faire modifier par des informaticiens si on en fait la demande. C’est une liberté d'améliorer le programme et de publier ses améliorations, pour en faire profiter toute la communauté des usagers et au-delà : liberté d'expression, d'association et de circulation des idées.
4- Dupliquer, et diffuser (donner et vendre) le logiciel. Par exemple, lors de l’Install Party, la licence vous autorisera à mettre dans votre poche des logiciels libres et à les installer sur autant d’ordinateurs que vous voudrez. La licence vous le permet, elle vous y encourage même. Les logiciels libres sont des logiciels comme les autres. Ils se distinguent sur le terrain juridique. Ils sont protégés contre l'appropriation et défendent les droits des utilisateurs.
Si la production et la distribution de logiciels libres peuvent être rémunérées, comme leur utilisation doit rester libre, la plupart des logiciels libres sont gratuits pour l’usager. Il n’y a pas d’abus, les informaticiens peuvent très bien être rémunérés pour leur travail, ça ne change rien au fait que le logiciel lui-même est gratuit. Il est gratuit, s’il est libre. Sans cette liberté de diffusion, ça changerait la donne.
On se retrouve en opposition avec ce qu’on appelle le logiciel non libre, qu’on appelle logiciel propriétaire ou logiciel privatif.
Le logiciel privatif : quatre restrictions
« Les licences propriétaires sont un ensemble d'interdictions mercantilistes
de limitation d’accès et d’usage. »
Si le logiciel libre protège l’usager, par opposition, le logiciel dit « propriétaire » ou « privatif » protège l’éditeur ou le concepteur en donnant non pas des libertés mais des restrictions d’usage : je peux reprendre point par point les libertés des logiciels libres et trouver l’opposé :
une exécution réduite : votre logiciel va être bridé parce que vous avez la version étudiante ou professionnelle, la version familiale… il peut être bridé dans le temps : vous l’utilisez trente jours et après, c’est fini. Il peut y avoir des mécanismes de fermeture : DRM. Votre secteur vidéo va dire « je n’ai pas envie de montrer cette vidéo parce que je ne suis pas sûr que vous avez payé ». Les usagers ne sont donc pas égaux devant le logiciel, il y a discrimination.
1- Par rapport à la possibilité d’accéder au code source, à la recette.
2- Par l’interdiction de s’intéresser à son mode de construction et donc, opacité !!!
3- Par l’interdiction de le modifier en quoi que ce soit : vous utilisez le système tel qu’il est. Toute modification ne peut être faite que par l’éditeur qui détient le logiciel par la licence
4- Par l’interdiction de le diffuser. Ou alors, il faut payer autant de fois qu’on le diffuse (paiement d'une licence par poste).
Toutes ces restrictions défendent les droits du vendeur qui reste propriétaire du logiciel. Comme ces logiciels propriétaires sont aussi payants et vu leur répartition sur toute la planète, il y a un enjeu financier énorme.
Donc s’intéresser à la nature des logiciels, à la licence, c’est vital.
Les licences propriétaires sont un ensemble d'interdictions mercantilistes de limitation d’accès
et d’usage.
L’enjeu de la gratuité des logiciels libres
Le brevet, les licences propriétaires génèrent un monopole, une exclusivité d’exploitation. « Ce que je fais, un concurrent ne peut le faire sans passer par moi . Toute modification/ évolution passe par moi parce que j’ai le brevet là-dessus. »
Cela dit, c’est plus complexe que ça, mais en gros, c’est ça.
Les logiciels privatifs, ça ne se conçoit que dans un monde marchand où la stratégie de conception est la captation du client.
Finalement, libre et gratuit sont quand même liés.
À l'inverse du logiciel propriétaire, le modèle économique du logiciel libre repose sur la création de valeur ajoutée et non pas sur une économie de rente.
En résumé
« Tout cela débouche sur deux types de société :
l’une fondée sur la coopération, l’autre sur la privatisation et la concurrence »
La gratuité ne se résume pas à « je sors mon porte-monnaie ou je ne le sors pas » qui n’est que la partie visible de l’iceberg, mais débouche sur une réflexion sur le partage des connaissances, sur la coopération, sur l’aide à son voisin.
La gratuité est l’accès de tous aux biens communs et services vitaux, sans discrimination.
Si les outils logiciels fondamentaux de l’informatique ne sont pas accessibles librement et gratuitement aux usagers, nous sommes dépendants.
Tout cela débouche sur deux types de société : l’une fondée sur la coopération, l’autre sur la privatisation et la concurrence. On oppose transparence et opacité. Liberté et privation. Usager et propriétaire. Réseau communautaire, et point central. Une sphère mélangeant des concepteurs et des usagers, une séparation.
J’ai d’ailleurs trouvé un petit texte assez amusant : le fondateur du mouvement libre pour les logiciels, a résumé en trois mots la philosophie du libre: liberté, égalité, fraternité. En une petite vidéo assez marrante, on retombe sur des notions assez civiques et assez communautaires de l’espace commun.
Pour finir, un petit détail, qui m’a été soufflé il n’y a pas longtemps.
Le piratage
« Un éditeur préfère toujours que l’on utilise son produit même piraté,
plutôt que l’usager ne passe à la concurrence ».
Attention, le piratage des logiciels n’est pas ce que j’entends par gratuité. Ça n’a rien à voir. Il s’agit de contrefaçon, punie par la loi. Du fait du coût élevé de certains logiciels, des usagers «craquent» le logiciel en s’aidant d’Internet, ils vont sur des sites gratuits dans des pays lointains, en Russie ou autres et disent « les logiciels gratuits, c’est facile, j’en ai plein mon ordinateur, ça m’a rien coûté ». En fait, on est toujours dans le même système. La société qui découle de ça , est une société privative. Outre que la loi l’interdit, cette pratique consolide la structure de marchandisation. Un éditeur préfère toujours que l’on utilise son produit même piraté, plutôt que l’usager ne passe à la concurrence.
Je rappelle: s’intéresser à la nature des logiciels, c’est fondamental ; lors de la table ronde on parlera de quelques exemples : les extensions si vous le voulez, on peut étendre le logiciel libre puisqu’un logiciel libre va générer un fichier libre.
Si vous tapez un document avec un traitement de texte libre, il sera stocké dans un format libre, si vous le tapez avec un traitement de texte propriétaire, il sera stocké dans un format privatif. C’est important aussi de s’intéresser à la nature de vos travaux personnels. Privés ou non. Cela aura des conséquences pour le futur : est-ce que chacun pourra, ou pas, lire ces fichiers ? Des extensions, c’est aussi des licences libres pour la musique, pour les œuvres de création, pour la photographie, pour les documentations libres, etc., etc. …
Au final, comment on s’organise ?
Les usagers se regroupent en associations locales, puisqu’il n’y a pas de centre, puisqu’il n’y a pas d’éditeur qui tient le logiciel, du coup c’est à la communauté de s’occuper de former les gens, de les aider à mettre le pied à l’étrier, il y a une gestion
véritablement collective par une association: le GUL (groupe utilisateurs de Linux et des logiciels libres). Concrètement, ça s’organise comme ça. On va en discuter cet après-midi avec les adhérents du GUL local qui s’appelle le PLOUG..
Intervention de Jean-Louis Sagot-Duvauroux, philosophe et homme de théâtre
« La pensée de la gratuité aide à sortir de la dépression politique
dans laquelle se trouve jusqu’à présent la pensée politique alternative. »
Bonjour à tout le monde! C’est assez stimulant d’intervenir entre deux exemples très prospectifs de ce que porte la gratuité: le logiciel libre et les transports publics gratuits. Ces deux exemples nous montrent comment la pensée de la gratuité aide à sortir de la dépression politique dans laquelle se trouve jusqu’à présent la pensée politique alternative. Ils nous permettent de constater qu’on peut s’appuyer sur des expériences qui fonctionnent et qui aussi rayonnent.
D’abord le logiciel libre. On pourrait dire que les mathématiques, c’est un logiciel libre de 2 500 ans ! Une fois que cette science est sortie des sectes pythagoriciennes, elle a été donnée à tous ceux qui étaient prêts à faire l’effort de s’en emparer. Tout enfant qui va à l’école récupère la totalité du logiciel.
Tout aspirant mathématicien s’autorise à le développer. Les capacités humaines en ont été considérablement augmentées et il a d’abord fallu pour ça que les mathématiques deviennent un bien commun dont chacun soit potentiellement héritier et développeur légitime. Dans le champ technologique le plus transformateur, le logiciel libre inaugure une histoire de cette nature… Il y a une autre caractéristique de ce mouvement qui est, selon moi, d’une grande importance. Le processus à l’œuvre dessine en effet une issue à une grave impasse du mouvement de transformation sociale, notamment dans sa mouture communiste : la mise en œuvre d’une forme d’échanges totalement non propriétaire et absolument pas étatique. C’est extrêmement prospectif. La question des connaissances, de l’échange des connaissances, d’un patrimoine commun d’informations, nous donne à penser des modalités autonomes et complètement reliées au collectif d’appropriation de biens produits par l’activité humaine, sans avoir besoin de s’engluer dans les rigidités d’une appropriation collective étatiste. Notre pensée et notre action en sont alimentées bien au-delà de l’aspect proprement technique des logiciels concernés. Donc, nous en sommes capables. Nous sommes capables de faire des mathématiques ensemble, nous sommes capables de créer dans la jubilation des outils et des contenus d’échange non propriétaires. Et ça peut gagner, le logiciel libre ! Imaginons que toutes les collectivités locales décident de passer au logiciel libre et abandonnent le logiciel propriétaire, ça serait un sacré changement, des centaines de milliers de gens qui sauraient s’en servir, qui en parleraient autour d’eux. Dans le même mouvement, les capitalistes se trouveraient dépossédés d’un pouvoir énorme sur nos relations humaines, expropriés d’un des principaux gisements de valeur. Sans besoin ni de goulag, ni de KGB.
« La marchandise la plus intéressante, la seule qui peut permettre d’être riche,
c’est l’être humain ».
« L’être humain ne peut pas être une marchandise »
Dans le poème de Neruda, il y a un mot très fort et qui est en contradiction avec ce que l’on entend si souvent : « Ne te vends pas ! Ne te
vends pas ! ». Aujourd’hui, on entend communément des jeunes hommes, des jeunes filles dire « il faut que j’apprenne à bien me vendre ». C’est une assertion qui, quand j’étais jeune, était absolument impensable. Quelqu’un aurait dit ça, on aurait eu l’impression d’un OVNI, d’un martien qui est tombé sur terre : mais comment peut-on dire une obscénité pareille ! C’est désormais passé dans le langage courant et c’est une régression plutôt terrifiante.
En fait, pour être vraiment riche, il est indispensable de s’approprier des êtres humains ou de s’approprier quelque chose des êtres humains : soit l’esclavage où l’être humain lui-même devient une marchandise, soit l’activité humaine, la force de travail d’un être humain qu’on s’approprie et qui nous permet d’être beaucoup plus riche que les autres. La plupart d’entre nous ne sont pas dans la situation de s’approprier quelque chose de l’être humain, d’acheter de l’être humain. Ceux-là, c’est-à-dire presque tous, seront plus ou moins aisés, auront des salaires plus ou moins élevés mais en gros, ils ne paieront pas l’impôt sur la fortune. L’être humain est la marchandise de départ.
La question de la gratuité ou de la marchandisation de l’être humain est au centre de la question de la gratuité. L’esclavage et l’abolition de l’esclavage sont la preuve que l’être humain fait une très bonne marchandise et en même temps que l’abolition du régime marchand est faisable et peut être bénéfique. Le développement de l’Occident s’est fait au départ sur l’accumulation des biens produits par l’esclavage. Et puis, quelque chose s’est passé chez les esclaves eux-mêmes et aussi chez d’autres qui vivaient cette période d’esclavage. On s’est dit : ce n’est pas possible, l’être humain ne peut pas être une marchandise, il y a une part d’inaliénable dans l’être humain, une part qu’on ne peut pas vendre. C’était le fruit d’expériences multiples, l’expérience de la parole, l’expérience des relations d’amour, de la prière, de liens qui s’établissaient au delà des situations sociales… Une part de l’expérience sociale disait : il n’est pas possible qu’une partie d’entre nous soit maintenue dans cette position de marchandise. Cette prise de conscience a abouti alors à de puissantes révoltes d’esclaves, à un vaste mouvement de solidarité qui se sont traduits par l’abolition de l’esclavage. Aujourd’hui, il reste de l’esclavage, mais sur le plan légal, sur l’ensemble de la planète, on considère que l’être humain ne peut pas être transformé en marchandise, ne peut pas être vendu. C’est une avancée éthique et politique considérable, une avancée de gratuité.
Une autre forme de marchandisation de l’être humain subsiste, le système de l’activité vendue, le système du salariat. La personne n’est plus une marchandise mais son activité, sa force de travail, disait Karl Marx, son potentiel d’activité le restent. Deux formes d’aliénation caractérisent le salariat ou, si l’on veut, la part marchandisable de l’activité humaine : l’activité humaine peut être vendue ; l’activité humaine peut être placée sous ordre. Une vieille utopie anarchiste et communiste née au XIXe siècle disait « abolition du salariat ». Jusque dans les années 80, la CGT s’en recommandait dans ses statuts. Ce qui paraît aujourd’hui très bizarre. Or en fait, c’était essentiel, c’était dire : nous ne sommes pas faits, nous les êtres humains, pour être vendus, nous sommes bien faits pour la liberté, qui a été si bien vantée par toi (Alain Gilfort) et qui est si importante parce que c’est un objectif proprement politique au sein même de ce qu’on appelle souvent le « social ». Quand on parle de liberté, on parle de la façon dont nous gouvernons. C’est un processus politique qui a des effets sociaux, ce n’est pas un processus social. Le social ne peut pas remplacer la politique. L’abolition du salariat, c’est l’idée que nous sommes faits pour agir librement, nous associer librement et pour agir gratuitement. C’est là que nous sommes vraiment dans nos positions d’êtres humains et que nous sortons d’une position de machine humaine. Il y avait cette utopie, que l’on trouve d’ailleurs chez Marx, l’idée d’une société dans laquelle les machines prendraient en charge l’ensemble des tâches mécaniques et où les êtres humains se consacreraient à ce que Marx appelle le développement général de la civilisation, les arts , la politique, la science, etc… On aura sans doute toujours besoin des tâches qui nécessitent de hiérarchiser les fonctions, mais nous savons déjà aller dans un sens qui les limite et demain peut-être les cantonnera en périphérie…
« La marchandisation achète notre temps »
« L’idée de rendre inaliénable une partie de notre existence a animé la société
pendant les 150 dernières années. On sait le faire. »
L’idée de rendre inaliénable une partie de notre existence a animé la société pendant les 150 dernières années. On sait le faire. On sait instaurer de la gratuité dans notre temps et dans notre activité. Il y a d’abord tout ce qui s’est passé dans le champ de la diminution du temps de travail à laquelle je crois qu’il faudrait plutôt donner le nom de « développement de la libre activité ». Il y a 150 ans, les gens travaillaient du lever au coucher, de l’enfance à la mort. Aujourd’hui une part importante de notre vie est considérée par la loi comme inaliénable. Je n’ai pas le droit de vendre plus que telle période de mon existence. Je n’ai pas le droit d’acheter l’activité de quelqu’un au delà d’un certain temps. Ce sont des avancées considérables car elles nous disent que, certes, nous pouvons vendre une partie de nous mêmes, mais que nous ne pouvons pas tout vendre.
« La marchandisation achète notre activité »
« L’autre aspect du développement de l’inaliénable à l’intérieur de notre existence,
c’est le droit du travail »
L’autre aspect du développement de l’inaliénable à l’intérieur de notre existence, c’est le droit du travail. Que nous dit le droit du travail du point de vue de la gratuité ? Il dit : je vends quelque chose de moi, mais je ne me vends pas moi-même. Prenons les lois contre le harcèlement sexuel : je vends à mon patron mon activité, je ne lui vends pas mes fesses ! Il reste à l’intérieur du travail, une part inaliénable, une part gratuite, une part qui n’est pas dans mon contrat de travail, qui n’est pas dans le contrat qui achète mon activité. Cette part d’inaliénable socialement reconnue est consacrée dans le droit du travail.
On voit bien aujourd’hui que les deux aspects sont attaqués de front, l’aspect quantitatif du « temps de travail » – on revient à l’idée d’augmenter le temps d’activité vendue de travail – avec une résistance affaiblie par le fait qu’elle se place exclusivement dans le champ du « social ». Par exemple, la retraite est généralement conçue comme un moyen. Le mot lui-même est extrêmement négatif, le mot dit le contraire d’activité alors que la plupart des retraités, du moins ceux qui sont encore en bonne forme nous disent : « Je n’ai jamais été aussi actif que depuis que je suis retraité ». Cette activité sert à l’être humain et à la société. Notre activité ne perd pas sa valeur quand elle est gratuite. Si, par exemple je suis puériculteur, je suis payé pour faire mon travail. Mais quand je fais des gestes analogues avec mon gamin à la maison, ça ne devient pas moins important parce que ce geste est gratuit. C’est même plus important, parce que là se trouve ce qui donne sens à ma vie, même si une partie du sens de mon existence peut aussi se trouver dans mon temps de travail. Sur le plan quantitatif on nous propose de « travailler plus pour gagner plus », c’est-à-dire d’enfermer notre vie, l’imaginaire de notre vie dans le marchand, une partie faite pour se vendre, un partie faite pour acheter. Or notre expérience intime nous dit non, ce n’est pas ça, notre vie. L’essentiel de notre vie, c’est ce qui n’est pas vendable. Et le plus important pour nous, c’est ce qui est sans prix…. Je suis caissière dans un grand magasin, je passe des codes barres toute la journée, ce n’est pas ça le sens de ma vie. Le sens de ma vie, c’est ce qui se passe après, ailleurs. Ce sont des activités très importantes, les plus importantes, celles que je fais librement et gratuitement. Voilà ce qui fait de moi un être humain, pas ce que j’ai vendu de moi.
« La marchandisation achète le sens de notre existence »
« Ce qui nous fait vivre, c’est le sens, le sens de l’existence »
Donc quantitativement on est en train, aujourd’hui, de réduire la part gratuite du temps humain et d’empêcher le développement de la libre activité. Mais l’attaque est également qualitative, et c’est peut-être encore plus grave, à l’intérieur du temps vendu. Pendant très longtemps, si j’étais maçon, que je me promenais dans la rue avec mon gamin, je lui disais : « Regarde, cette maison, c’est moi qui l’ai construite. Il y a des gens qui sont abrités des intempéries grâce à mon travail. » Mon travail contribuait au sens de mon existence. J’avais une utilité sociale, des motifs d’en être fier. C’est même d’ailleurs une des raisons qui a fait que le mouvement d’émancipation féminine revendiquait le droit des femmes au travail salarié. Ce n’était pas pour ajouter un patron à un mari. C’était pour élargir ses relations sociales, ce qui n’est pas dans le contrat de travail, une part libre à l’intérieur du travail contraint. C’était aussi pour élargir le sens de son utilité sociale, au-delà de la cuisine et des gamins, donc pour des raisons qui ajoutaient du sens à la vie, des « valeurs » qui ne sont pas vendues dans le contrat de travail, qui tiennent à ce que nous restons des êtres humains, même quand nous sommes esclaves, même quand nous sommes salariés. Aujourd’hui les salariés sont conduits par les nouveaux systèmes de management, à assujettir le sens de leur activité à des objectifs qui pour eux sont des non sens.
Le maçon dont je parlais tout à l’heure, qui montrait la maison qu’il avait construite en disant avec fierté « voilà mon fils, ce que j’ai fait », aujourd’hui on lui suggère de montrer à son fils la courbe de l’action Bouygues et de dire « j’ai fait monter l’action Bouygues ». Tout le management actuel a pour but d’enchaîner la subjectivité même des salariés au profit de l’entreprise. Au profit financier de l’entreprise. Un bon salarié, un salarié qui monte, c’est quelqu’un qui est capable de faire n’importe quoi pour le profit de son entreprise. Il y a par exemple une grande différence entre un employé du Crédit Lyonnais quand le Crédit Lyonnais était une banque publique et ce qu’il est aujourd’hui chez LCL, ce qu’on appelle par antinomie un conseiller client. Qu’est-ce qu’un conseiller client ? C’est quelqu’un qui a l’ordre de siphonner le client au maximum en lui faisant acheter les « produits » les plus intéressants pour l’actionnaire. C’est pour ça qu’il y a autant de souffrance et même de suicides au travail, car comme nous sommes des êtres humains, ce qui nous fait vivre, c’est le sens, le sens de l’existence. Or ça n’a aucun sens de tromper ses contemporains, pour le profit de quelqu’un qui vous paie mal. Ça n’a aucun sens et ça fait que les gens souffrent. Là encore, la question de la gratuité est absolument centrale. Il y a des choses, par exemple la construction du sens de l’existence, qui ne peuvent être que gratuites, qui sont absolument centrales et qui doivent l’emporter sur tout le reste, même dans la partie de nous-mêmes que nous vendons.
Notre temps et notre activité ne devraient jamais être dépossédés du droit au sens. Ils doivent donc toujours conserver au moins une part d’inaliénable, de gratuit.
« La marchandisation achète du temps de cerveau disponible »
« Les pouvoirs économiques ont forgé pour ça un puissant système de vénalisation du désir humain »
La marchandisation de l’être humain a plusieurs cordes à son arc. Elle achète notre temps, elle achète notre activité, elle achète le sens de notre existence, elle achète aussi ce que Patrick Le Lay, ancien directeur de la chaîne publicitaire TF1, a appelé le « temps de cerveau disponible »
Il y a là un commerce considérable qui occupe une grande partie du temps de la plupart d’entre nous. Quand vous regardez TF1, en apparence c’est gratuit. En réalité, il y a un deal qui est 100 % marchand : le deal entre TF1 et l’annonceur. L’annonceur a besoin de temps de cerveau disponible. TF1 vend du temps de cerveau disponible. Pour vendre du temps de cerveau disponible, il faut d’abord l’arraisonner. Il faut l’appâter et donc il y a, comme à la pêche, un asticot. Le programme gratuit, c’est l’asticot. Le pêcheur ne fait jamais payer la tanche. (rires) Tout s’articule : « Travailler plus pour gagner plus », c’est en fait travailler plus pour dépenser plus, et pour dépenser là où il faut que nous dépensions. Les pouvoirs économiques ont forgé pour ça un puissant système de vénalisation du désir humain, un système extrêmement sophistiqué. Le temps de travail et le temps de TV, ça prend une grande partie du temps de la vie des gens. La modification du rapport de force en fait un front contre la gratuité
axiale de l’être humain.
« Etendre la gratuité pour garantir la liberté d’accès aux droits »
Si c’est un droit, ça ne peut pas être marchand parce que si c’est marchand,
ce n’est plus un droit
Dernier point et ça fera la transition avec ce que tu vas nous raconter de la belle expérience d’Aubagne. Il y a dans l'histoire humaine une modification de la représentation de soi et de ceux des biens qui sont considérés d'une certaine manière le prolongement de soi. Et cette modification dans la tradition occidentale est assortie d'un droit, par exemple le droit à l'éducation. L'éducation est importante, tellement constitutive de ce qui nous fait humain, que ça apparaît dans notre représentation comme étant un droit. Or si c’est un droit, comment faire pour l’exercer quand on n’a pas d’argent ? Si c’est un droit, ça ne peut pas être marchand parce que si c’est marchand, ce n’est plus un droit. Le système de marché est un système de contraintes qui s’oppose à la liberté d’accès, les Anglais d’ailleurs disent free pour dire gratuit. Par exemple le logement est soi disant un droit, mais si je n’ai pas d’argent, je ne peux pas avoir de logement. Donc ce n’est pas un droit, c’est un droit fictif. L’éducation nationale, la sécurité sociale sont des inventions politiques qui inscrivent dans la réalité la montée du sentiment d’un droit dans l’opinion publique et dans la volonté du peuple. Nous pensons généralement que dans un pays comme la France, tout le monde doit avoir le droit d’être soigné correctement. Il ne suffit pas de le dire, il faut inventer la manière de le faire. On a su le faire, c’est quelque chose dont on a l’expérience. Il est tout à fait possible de faire sortir des aspects très importants de la vie humaine du rapport marchand. Ce sont des transformations qui sont évolutives, par exemple le droit au logement est inscrit dans la loi, il est même inscrit dans la constitution, mais aucun dispositif, aucune construction politique ne le rendent aujourd’hui effectif. S’il est inscrit dans la constitution, c’est que quelque chose s’est passé dans la représentation majoritaire des gens. D’ailleurs, vous l’entendez dire autour de vous « ce n’est quand même pas normal que dans un pays comme le nôtre, il y ait des gens qui ne trouvent pas un toit ». Quand on voit des gens qui travaillent et qui sont obligés, je le vois dans ma ville, de vivre en caravane, on se dit « ce n’est quand même pas normal dans un pays comme la France ». Que va-t-on inventer demain ou aujourd’hui pour que ce droit au logement existe? Cela passera nécessairement par des dispositifs qui incluront de la gratuité.
En région parisienne, nos gamins sont harcelés par des hordes de contrôleurs dans le métro ou dans les bus, des policiers armés jusqu’aux dents, c’est le symptôme que quelque chose ne va pas. Alors un sentiment monte dans certaines portions de la société : « Ce n’est quand même pas normal que nos gamins ne puissent pas se balader dans leur agglomération ». Et naît l’idée d’une liberté de circulation dans les services publics. Une idée nouvelle et différente du rapport à la circulation, qui est d’ailleurs appliquée dans la voirie, dans l’idée qui a présidé à la construction d’une voirie gratuite. Personne ne met en cause la voirie gratuite, personne ne dit, c’est trop cher… La voirie est libre d’accès parce que nous avons besoin d’aller nous voir les uns les autres, de nous rencontrer les uns les autres et nous trouvons tout à fait normal de payer des impôts pour qu’il ait des routes qui nous permettent d’aller les uns
vers les autres !
Alain Belviso, président de la communauté d’agglomération d’Aubagne
« La question de la gratuité et en particulier de la gratuité des transports publics,
c’est avant tout une question politique. »
Je vais essayer de rentrer dans une expérience - car on continue de parler d’expérience - qui s’appuie sur ce qui vient d’être développé, expérience engagée depuis plus d’un an : celle de la gratuité des transports publics de la communauté d’agglomération d’Aubagne.
Pour vous donner quand même quelques références, même si tout le monde connaît Aubagne.
C’est aux portes de Marseille et c’est important pour cette question de la gratuité, que cette expérience au bord d’une métropole et donc d’un réseau de transport en commun puissant. C’est une communauté de 12 communes et 101 000 habitants, avec un centre de 45 000 habitants ça vous donne les éléments de référence par rapport à des situations plus locales, par rapport à St Brieuc… à tout hasard (rires). On est donc en expérience depuis plus d’un an d’une « gratuité totale sur réseau » selon la formule du dispositif « portes ouvertes ». Cette gratuité totale pour les utilisateurs du réseau quelque soit leur statut et quelque soit leur lieu d’habitation, c’est-à-dire, habitant l’agglomération ou habitant hors de l’agglomération. Je dis ça parce qu’il y a des expériences de gratuité sur le territoire national où la gratuité est réservée aux habitants du territoire du réseau. Donc avec une carte de navigation gratuite pour les habitants. On n’a pas choisi ce système-là, on est un espace ouvert, je tiens à le préciser.
Et de ce point de vue au bout d’un an, on est aussi en situation de regard sur ce qu’on appelle la fréquentation mais aussi la modification des actes sociaux sur le territoire que cela a engendrées. Alors on fait un tour de France, on nous demande de venir un peu partout pour parler de notre expérience. Aujourd’hui, c’est l’étape St Brieuc. On ne veut pas être un modèle sur ce qu’on a fait, parce qu’on vient d’un processus politique qui en termes de modèles a donné. On ne voudrait pas remplacer un modèle par un autre. Mais on a trouvé avec la gratuité des transports publics une réponse à notre propre territoire. En même temps si ça peut servir d’expérience, servir au débat on est prêt à participer à ce débat pour autant qu’on ne nous lance pas à la figure les faux arguments sur la gratuité.
La question de la gratuité et en particulier de la gratuité des transports publics, c’est avant tout une question politique et donc, on a besoin de débats politiques autour de la gratuité et pas de débats comptables ou autres qui cachent l’essentiel et qui ne permettent pas d’avancer.
Aujourd’hui, on est dans une situation de gratuité totale pour 11 lignes régulières, 10 lignes de transport à la demande et 14 lignes scolaires spécifiques. Vous voyez l’ampleur du réseau et un réseau qui en 2008 transportait annuellement 1,9 millions de voyageurs pour un coût de 10 millions d’euro pour le budget. Je vous donne ces éléments-là, parce que, quand même, de temps en temps, il faut parler comptable.
Je réponds aux questions:
- Pourquoi on a fait la gratuité ?
- Comment ça a été ressenti ?
- Quels ont été les résultats ?
C’est très classique pour permettre de s’y retrouver.
Alors d’abord, pourquoi la gratuité ?
« La gratuité ne fait pas une politique de déplacement et la gratuité ne peut pas être le cache-misère
d’un réseau qui n’existe pas. »
On a lancé l’idée au moment des élections municipales. C’est venu de la ville centre et la liste sortante étant reconduite, on l’a proposée au niveau communautaire. Les 12 maires de l’agglo l’ont acceptée pour l’ensemble du réseau et en ont fait l’élément premier du pacte de gestion de l’ensemble des communes…. Donc on est dans le passage du local au un peu plus global.
On a fait le choix de la gratuité pour plusieurs questions.
D’abord parce que c’est un signe fort et un élément important en termes de politique globale de déplacement. On a inséré la politique des transports publics gratuits dans une politique de déplacement. La gratuité ne fait pas une politique de déplacement et la gratuité ne peut pas être le cache-misère d’un réseau qui n’existe pas.
Ce qui arrive quelquefois !
Dans les 10 collectivités qui font la gratuité en France, dont 9 de droite, quelquefois, ça cache l’absence d’une politique réelle de déplacement. Nous, on l’a insérée dans un dispositif qui a porté la réorganisation totale du réseau avant la mise en place de la gratuité. Un dispositif qui porte aussi sur les modes de déplacement doux, de prêts de vélos gratuits sur le territoire, de la prise en charge de 70% des trajets domicile-travail pour les salariés de l’institution agglo qui habitent hors territoire, etc, etc… plus la mise en place de deux réseaux de transport en site propre dans les prochaines années et qui va faire de nous le territoire qui va accueillir le premier tram gratuit de France !
C’est aussi un élément de politique de développement soutenable
« Avec la gratuité, on a trouvé un élément qui articule réellement les questions sociales,
environnementales, économiques. »
Nous sommes la seule agglo des Bouches du Rhône, et nous ne sommes que deux dans la région PACA, à avoir été labellisée développement durable par le ministère. A ce titre nous avons bénéficié de la reconnaissance du ministère de Grenelle, donc ça nous remplit de joie !. Et là encore, nous portons la question de montrer que gratuité et développement soutenable ne sont pas incompatibles. Et avec la gratuité, on a trouvé un élément qui arti
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