Le rideau de fumée sécuritaire

Le gouvernement tente de sortir de sa mauvaise passe, de faire oublier la série de faux pas, depuis l’affaire Frédéric Mitterrand jusqu’à l’erreur de touche, vendredi dernier, du député Jean-François Lamour qui a permis l’adoption d’un amendement visant à taxer les banques. Il a même fallu que le chef de l’Etat retourne à Gandrange et qu’il recule sur la nomination de Jean Sarkozy : c’est dire combien l’heure est grave et qu’il est plus que temps pour la droite au pouvoir de reprendre l’offensive, à quelques mois des régionales.

C’est sur le terrain de l’ordre et de la sécurité que le tempo est redonné. Alors que la crise économique n’a pas fini de produire ses effets, que les inquiétudes sociales sont fortes en matière de niveau de vie et de sécurisation des parcours professionnels, il s’agit de mettre le paquet sur le registre classique du sarkozysme, celui qui empiète sur le terrain du Front National, celui auquel on prête la victoire à la dernière présidentielle.

Et voilà, la petite musique de l’autorité se réinstalle, comme un rideau de fumée pour masquer les couacs au sommet. L’opération vise aussi, sans doute, à détourner l’attention d’un fait : le maintien du cap économique, illustré par le vote du budget 2010 qui comporte le paquet fiscal maintenu, la réforme de la taxe professionnelle permettant d’assécher un peu plus les finances locales sans léser les entreprises, le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ou encore la fiscalité écologique socialement injuste.

Alors, c’est parti… Tout azimut, de la nouvelle mouture du fichier Edvige, qui permet notamment l’inscription des mineurs à partir de l’âge de 13 ans, au débat lancé par Michèle Alliot-Marie sur la castration chimique des violeurs, la période toute récente regorge d’exemples. Le ministre de l’Intérieur Brice Hortefeux était d’ailleurs l’invité d’Arlette Chabot la semaine dernière sur France 2 et nous avons eu droit à la tirade contre les « caïds de banlieue ». En cette période de défaillance capitaliste, la délinquance financière n’est pas le cœur de cible. Elle peut dormir tranquille : retour aux boucs-émissaires intemporels, en gros les jeunes arabo-musulmans des quartiers populaires…

Autres ennemis de l’intérieur : l’ultra-gauche ! On se souvient de l’affaire Tarnac, aujourd’hui, ça se passe à Poitiers. Le 10 octobre dernier, après une manifestation contre le transfert de détenus, 18 personnes ont été interpellées par la police. La préfecture et le ministère de l’Intérieur ont immédiatement dénoncé des opérations de type commando de militants de l’ultra-gauche. Si les dossiers d’instruction ressemblent à ceux de Julien Coupat, ça promet…

Mais le meilleur élève de la ligne ordre et sécurité, c’est sans doute Eric Besson. On le savait, les nouveaux convertis sont les plus zélés… Le ministre n’a donc pas manqué de frapper les esprits sur la politique migratoire : après la fermeture du campement de Calais, ce fut la semaine dernière l’expulsion de trois Afghans dans leur pays d’origine, en guerre, bafouant allégrement la logique du droit des réfugiés. La gauche a eu beau crier au scandale, le premier ministre François Fillon assume et enfonce le clou : la France, a-t-il dit, « n’a pas à s’excuser, ni à culpabiliser ». Fermez le ban.

Le gouvernement se veut intransigeant. Il y eut également la semaine dernière, à Paris et à Rouen, une descente de police pour arrêter des sans-papiers lors d’une distribution de repas par les Restos du cœur. Il y a quelques mois, le ministre Besson affirmait que « les lieux dans lesquels est apportée l’aide humanitaire doivent en quelque sorte être sanctuarisés ». Terminé : l’heure n’est pas à l’humanité mais à la fermeté.

Et pour animer plus encore la diversion, le ministre vient de proposer un débat sur l’identité nationale. Nous n’avons pas besoin d’un grand colloque théorique pour faire le point sur ce que nous sommes mais de retisser le lien social, de trouver une articulation nouvelle entre individu et collectif, pour que l’appartenance à une communauté, la République française, fasse à nouveau pleinement sens et rime concrètement avec liberté, égalité, solidarité.


Clémentine Autain

Ajouter un commentaire

Anti-spam