Une autre gauche est déjà en marche par J. Perreux

On demande souvent à Jacques Perreux : pourquoi un élu communiste vice-président du Conseil général ne soutient pas Marie-George Buffet et soutient José Bové, et pour aggraver son cas en est le directeur de campagne. Dans son intervention à Vitry au meeting de José Bové il s'en est expliqué.
Ci-dessous, son intervention :
Une autre gauche est déjà en marche
par Jacques Perreux
En fait, la diversité des raisons de voter José Bové que nous venons d'entendre recoupe la diversité des raisons d'agir pour toutes les causes émancipatrices. Elle recoupe donc les raisons de combattre le libéralisme et toutes les dominations qui se mettent en travers de ces causes.
Cette diversité est belle à voir et à entendre mais quand elle est dispersée et divisée, cela désole et fait enrager. Surtout quand on sait à quel point, lorsque cette diversité est rassemblée, convergente, mélangée et partagée, elle devient une force magique. Il n'y a pas besoin d'être un ancien combattant pour se rappeler que notre diversité unie a soulevé des montagnes au référendum et contre le CPE.
Ça me fait plaisir d'accueillir avec vous José Bové, dans cette ville où j'habite, où j'ai beaucoup de mes amis et où je suis élu. Bienvenue aussi à Francine, Norreddine et Eros.
Je ne vais pas vous faire l'article : Vitry est une ville aux belles traditions de luttes, une de ces villes où un maire communiste a installé l'un des premiers CMS dans les années 30, où un autre dans les années 70 a innové en créant le 1 % à la culture et où le Conseil général il y a deux ans a ouvert un musée d'art contemporain. C'est la ville aussi d'où est partie la grève insurrectionnelle des cheminots en 1945, une ville où on fait la chaîne pour empêcher que nos enfants sans-papiers soit chassés, une ville où une partie importante de la population s'est insurgée contre un référendum pour une police municipale, où des gens de bonne volonté agissent pour que les Roms ne soient pas mis à l'index et accèdent aux papiers et au logement, une ville comme tant d'autres où il y a des trésors de solidarité qui font que malgré la dureté de la vie, la société n'est pas une jungle.
Mais allons droit au but : on m'a demandé d'expliquer pourquoi un élu communiste vice-président du Conseil général ne soutient pas Marie-George Buffet et soutient José Bové, et pour aggraver son cas en est le directeur de campagne.
Il y a à cela trois raisons mais une seule aurait suffit :
La première raison c'est que la faute d'Olivier Besancenot et de Marie-George Buffet est pour moi impardonnable car elle a gâché un espoir énorme.
Si je votais pour Marie-George, j'encouragerais le parti à préférer sa chapelle plutôt que l'intérêt général. Si je votais pour elle, ce serait une façon d'oublier que des gens vont morfler du fait que nous n'aurons pas su réaliser l'unité.
Je sais bien que certains pensent que lorsque l'on est dans un parti, il faut être discipliné -je l'ai été- et respecter la loi de la majorité. Mais la respecter ne veut pas dire et ne peut pas dire se soumettre à des idées que l'on rejette. Par exemple les communistes ont eu raison d'alerter sur les atteintes aux libertés dans les pays socialistes alors qu'ils étaient minoritaires. Dans certains pays, ces communistes l'ont payé cher.
Aujourd'hui des militants de la LCR, des écologistes, font prévaloir l'intérêt de l'unité par rapport aux positions de leur parti. Hier, tout le monde a trouvé normal que des socialistes appellent à voter non au référendum alors que leur parti appelait à voter oui.
Il n'y a donc pas de quoi en faire un drame. Ça devient même une habitude. Cela veut dire sans doute que les partis existants ne correspondent plus aux attentes et qu'il faut sans doute inventer autre chose. En fin de compte, aucun parti n'a été inventé pour l'éternité.
En attendant je ne me résigne pas à ce que le PCF du Front Populaire, le PCF de la résistance et donc le parti communiste de l'union devienne le parti de la division.
Le PCF dans cette ville et ce département aurait tort pour tous les combats à venir s'il traitait en adversaires les antilibéraux, les comités Bové et les communistes qui y militent nombreux. Je dis à tous les communistes qui hésitent, s'inquiètent ou souffrent de cette situation : « s'il y a quelque chose à ne pas trahir c'est son idéal ». Et l'idéal communiste c'est la mise en commun.
La deuxième raison de mon choix :
C'est que les combats, les engagements de José Bové me parlent et me touchent. **- Contre la malbouffe et l'américanisation de toutes les formes de culture. **- Les Ogm et la santé **- L'altermondialisme **- Le fait de penser globalement pour agir localement.
J'étais au Larzac en 2000 pour empêcher l'emprisonnement de José. C'est ma première rencontre avec lui, au petit matin, en débarquant du train, dans les allées du rassemblement où avec Christian Favier nous nous sommes présentés à lui et où il nous a dit « vous êtes vraiment des chics types les communistes ».
Mes passions et mes combats pour l'eau comme bien commun et droit fondamental des hommes sont aussi pour beaucoup dans mes prises de position aujourd'hui. Je me souviens avoir eu l'occasion à Porto Alegre lors d'un petit déjeuner de lui expliquer pourquoi le combat contre la marchandisation de l'eau dans le monde exigeait que nous menions la bataille en France pour le retour en régie de la gestion de l'eau. Alors que ces idées n'étaient pas évidentes dans mon propre parti (c'est le moins que l'on puisse dire), je me souviens avoir eu son soutien y compris pour que le Val de Marne accueille le Forum Social Européen, précisément sur les questions de l'eau et de l'environnement.
Et puis, il y eut l'autre Larzac, celui de 2003 : ces heures et ces heures d'embouteillages, ces kilomètres à pied et ce fantastique débat dans lequel j'intervenais pour sensibiliser aux batailles de l'eau et croiser des idées avec des militants d'autres sensibilités.
Et puis pour moi qui ai mené des actions pour libérer Angela Devis, Nelson Mandela, pour Arafat, je me dis que quelqu'un qui consent à aller en prison pour ses idées peut devenir un bon président de la République. Regardez précisément Mandela, Lula, Morales. Ce n'est évidemment pas obligatoire mais c'est quand même une garantie de fidélité à l'époque om l'on reproche tant aux hommes politiques de faire le contraire de ce qu'ils disent.
La troisième raison et la plus importante :
Certains d'entre nous chantent « il n'est pas de sauveur suprême, ni Dieu, ni César, ni tribun » ; d'autres affirment « ni Dieu ni maître ». Nous ne demandons rien de cela à José.
Non, le principal c'est que l'espoir, le mouvement, le nouveau est dans cette candidature.
Pourquoi ?
Parce que c'est là que ce sont donnés rendez vous tous les partisans de l'unité, des communistes, des socialistes, des écologistes, des LCR, des militants de quartiers, des militants issus de l'immigration, des libertaires, des associatifs, des électrons libres. Cela donne confiance non ? Qui peut espérer sans unité battre le libéralisme ? gagner le SMIC à 1 500 € ? instituer un système de sécurité d'emploi et de formation ? le droit de vote des étrangers ? imposer les moratoires sur l'EPR, les Ogm... ?
Parce que la gauche on le sait bien, telle qu'elle est aujourd'hui, ne fait pas l'affaire. A chaque fois qu'elle gagne l'élection, la fois d'après elle la perd parce qu'elle a déçu.
Regardez Ségolène Royal : plutôt que de répondre au thème sécuritaire du dangereux Sarkozy par des mesures ne faveur de la prévention, de la culture, elle propose l'encadrement par des militaires. Plutôt que de répondre à ce ministère de l'immigration nationale par la coopération, l'altermondialisme, les échanges, elle nous propose d'arborer le drapeau bleu blanc rouge à nos fenêtres. Jaurès réveille toi !
Avec cette gauche là on ne va pas au combat mais au renoncement. Il faut donc inventer une nouvelle gauche : pas derrière l'une ou l'autre des forces existantes. C'est le sens de la candidature de José Bové.
Une candidature trait d'union
On en crève de nos divisions, de nos méfiances, de nos incompréhensions, de nos replis sur soi. Va-t-on se parler, chercher à se comprendre avec les jeunes qui enragent de la violence permanente des contrôles policiers, des échecs à l'école, du « pas de boulot », d'être stigmatisés parce que l'on habite tel quartier. Ou est ce que le trop plein de colères accumulées et parfois la rancune y compris vis-à-vis de militants politiques va l'empêcher ? Est-ce que l'on va se parler et chercher à se comprendre avec tous ceux qui rejètent l'organisation comme synonyme de rigidité et de manque de liberté individuelle ?
Est-ce que l'on va se parler entre militants anti-nucléaires inquiets pour les déchets que l'on va laisser à nos enfants et militants pro-nucléaires qui privilégient la question de l'indépendance énergétique ?
Est-ce que l'on va chercher à dépasser nos codes et nos cases, nos grilles de lecture et nos cultures pour chercher à rentrer dans ceux des autres ?
Est-ce qu'on va être capable de créer le mouvement à géométrie variable où chacun sera à pied d'égalité avec l'autre, où on pourra rentrer et sortir, apporter et se servir, bénéficier pour ses combats de la force des combats des autres ?
Je pense comme beaucoup d'autres que ce mouvement est en cours. Comme directeur de campagne je le vois avec ses tensions et se difficultés, mais aussi avec ses prouesses : les 500 comités créés en quelques semaines, des trésors de dévouement, d'inventivité, de volonté.
Une autre gauche est déjà en marche : une gauche alternative qui rejette et surmonte les divisions coûte que coûte. Chaque bulletin José Bové le 22 avril va dire « puisqu'un autre avenir est possible et puisqu'un autre monde est en marche, j'en suis ».
En fait la raison principale de voter Bové c'est qu'une nouvelle force est en train de naître. C'est la force de l'unité. Et chaque bulletin de vote va aider ce rassemblement à devenir un peu plus une force irrésistible.

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